Quand j’ai découvert, mercredi matin, l’annonce du gouvernement japonais d’un plan de relance accru de +40% (de 172 à 240 Mds€), je me suis dit que les banques centrales n’avaient pas mis longtemps à élaborer un nouveau cycle d’injection de liquidités destiné à relancer la mécanique haussière temporairement mise à mal par le Brexit.
Cependant, le Japon a d’autres soucis plus immédiats que le Brexit, notamment la glissade du yuan, retombé vers 6,70/$ mi-juillet. Excellente excuse pour déclencher un tir de barrage monétaire, repoussé depuis avril, au prétexte de relancer l’économie nippone par la voie des déficits budgétaires pour une nième édition.
Le tout financé par une nouvelle séquence de planche à billet (fin du suspense vendredi matin).
Cela ne restaurera ni la croissance ni l’inflation, pas plus que les fois précédentes… mais cela affaiblira le Yen durant quelques jours ou quelques semaines, entretenant l’illusion d’un retour partiel de la compétitivité japonaise.
Et puis, dès le 4 août, la Bank of England devrait prendre le relais après 4 années d’inactivité (aucune initiative monétaire majeure depuis 2012), avec comme motif imparable la lutte contre les 1ers signes de perturbation de l’activité par le Brexit.
La situation apparaît à ce point critique outre-Manche que le FT-100 n’est plus qu’à quelques dizaines de points de son record historique absolu. La City vit un drame boursier dantesque depuis un mois. Il fallait y mettre un terme en mode urgence absolu.
Nous plaisantons bien sûr ! Pourquoi la Bank of England (BoE) irait-elle griller une précieuse cartouche monétaire alors que la City baigne en pleine euphorie ?
Pour enrayer le dégonflement de la bulle immobilière ?
L’explosion des prix qui s’est prolongée jusqu’à la fin du 1er semestre constitue une malédiction pour les ménages britanniques de la région londonienne qui doivent consacrer une part considérable de leurs revenus pour se loger.
A moins qu’ils ne se résignent à résider à plus d’une heure de leur travail s’ils ne veulent pas vivre dans une studette format boîte à chaussure ou un entresol où le soleil ne pénètre jamais !
A l’image de la BCE la semaine dernière, ou de la Fed mercredi soir, la BoE ne fera probablement rien jeudi prochain. Elle promettra un coup de bazooka à la moindre déconvenue sur les chiffres de la croissance. Ce qui suppose d’en collecter un nombre suffisant et prendra un peu de temps.
Le temps d’épuiser les charmes de la planche à billet japonaise !
Quand la BoE aura remis de l’argent dans le système (ou baissé ses taux, ce qui ne servira évidemment à rien, mais les marchés l’espèrent), ce sera au tour de la BCE de mettre la main à la pâte. La BCE relancera les rotatives et modifiera les règles d’éligibilité des dettes qu’elle s’était fixées.
Et puis, la Fed annoncera après l’élection de Donald Trump (aucun parti pris, j’ai tiré à pile ou face le nom du vainqueur pour illustrer cette chronique), que les conditions ne sont pas réunies pour relever ses taux fin décembre.
Autrement dit, aucune hausse de taux ne sera intervenue en 2016, la Fed enterrera avec la bénédiction du marché le concept du cycle de normalisation.
Toute ce qui précède ne constitue-t-il pas le scénario magique auquel aspire chaque Asset Manager ?
Comment les banques centrales pourraient-elles imaginer d’agir autrement, au risque d’incommoder les marchés ? Leur boulot, c’est de les faire monter lorsqu’ils commencent à hésiter.
Cela faisait 15 jours que le CAC 40 (ayant effacé les pertes du Brexit) n’allait nulle part et consolidait à plat. Les permabulls ne cessaient de matraquer « ça sortira par le haut », parce que c’est toujours comme cela que ça se termine depuis 2009 à Wall Street, depuis 2012 en Europe.
Le redémarrage de la hausse n’est pas une question de conjoncture, ni de hausse des profits, ni de visibilité. Les injections de fausse monnaie soulèvent le prix des actifs comme l’eau dans une écluse, peu importe la taille de l’objet, la coque de noix comme la péniche de 1 500 tonnes.
Ce ne sont même pas des gérants de chair et d’os qui se réveillent avec le goût de renforcer les portefeuilles. A l’image de ce mercredi, les marchés se sont mis à s’envoler au milieu de la nuit, quand les gérants occidentaux étaient endormis.
Les robots ne dorment jamais, ils sont programmés pour payer les signaux techniques à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Même, ils ignorent toute relation entre les cours de Bourse et la réalité économique.
Toutes les configurations qu’ils analysent sont bulls, de façon permanente et irréversible depuis quatre semaines.
C’est normal : l’évolution quotidienne des indices est orchestrée de façon à ce que des logiciels bien disciplinés ne voient que des signaux haussiers.
Ce n’est pas le graphique qui reflète la psychologie d’un quelconque marché (il n’y a plus depuis longtemps qu’un seul acheteur, la banque centrale), c’est la courbe qui est dessinée pour induire le diagnostic d’une psychologie de synthèse éternellement haussière.
C’est donc de façon unanime que les analystes techniques pronostiquent un CAC 40 à 4 600 et un S&P à 2 400. Dans toutes les précédentes occurrences, quand de vrais intervenants de chair et de sang participaient à ce genre de configuration, une hausse de 10 à 15% s’est presque toujours matérialisée.
Cependant, cette fois-ci, qui sait comment cela finira ? Il s’agit d’une pure contrefaçon de Bull Market, alimentée par de la monnaie tout aussi contrefaite, avec des commentateurs qui feignent de s’extasier de ce simulacre haussier.