Après une décennie de croissance, l'Amérique latine et notamment sa figure de proue, le Brésil, montrent les premiers signes d'essoufflement, reflets des faiblesses des économies émergentes, trop dépendantes des matières premières dont les prix s'effondrent.
Le Fonds monétaire internationale (FMI) aura la semaine prochaine à Lima son assemblée générale aux côtés de la Banque mondiale et des ministres des Finances et des chefs des banques centrales du globe.
A cette réunion cruciale pour la planète finance, "l'Amérique latine arrive dans une situation vulnérable, délicate: ralentissement économique, inflation en hausse et dévaluation de plus en plus forte de ses monnaies, avec le risque, pour une classe moyenne vulnérable, de retourner à la pauvreté", souligne l'économiste et ex-ministre du Travail péruvien Jorge Gonzalez Izquierdo.
Les nouvelles prévisions mondiales du Fonds, qui seront publiées mardi, et le communiqué des ministres du G20 Finances, attendu vendredi, devraient refléter le pessimisme ambiant concernant les pays émergents, Chine en tête et à l'exception notable de l'Inde.
Le Brésil, première économie régionale et septième mondiale, est le parfait exemple du phénomène, étant passé en moins de cinq ans de la position de géant émergent, alléchant pour les financiers du monde entier, à celle de pays en pleine déconfiture accumulant les mauvaises nouvelles.
Finie l'image de bonne élève. Le pays est entré en récession au deuxième trimestre et vient d'être relégué en catégorie spéculative, épouvantail aux yeux des investisseurs, par l'agence de notation Standard & Poor's (SP).
L'un de ses crimes ? Avoir tout misé sur l'exportation de matières premières, dont les prix ont dégringolé quand la demande de la Chine, principale acheteuse, a chuté.
Une erreur qui s'est répétée ailleurs dans la région, où beaucoup de pays ont profité du boom des matières premières (pétrole, cuivre, aluminium...) de ces dernières années, sans penser à long terme.
"Le grand problème de l'Amérique latine, c'est que beaucoup de pays agissent peu quand ils ont les ressources" nécessaires pour renforcer ou diversifier leur économie, explique Pedro Tuesta, économiste en charge de la région au sein du cabinet de consultants 4CAST, à Washington.
- Pire croissance en six ans -
Selon la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (Cepal), une agence de l'ONU, la croissance de la région atteindra 0,5% en 2015, son plus bas niveau en six ans, plombée par une prévision de récession de 1,5% au Brésil et de 5,5% au Venezuela.
"Les petites économies de la région comme le Pérou, la Colombie ou le Chili sont résistantes mais elles ne sont pas immunisées car elles ralentissent et elles (aussi) dépendent des matières premières", note l'économiste Alberto Ramos, responsable de recherche sur l'Amérique latine chez Goldman Sachs.
Le Chili, premier producteur mondial de cuivre, est particulièrement exposé à la Chine, à qui il exporte 25% de sa production. Affecté par une demande et des prix en chute, le géant minier public Codelco a dû appliquer un sévère plan d'économies.
Dans ce contexte de ralentissement régional, la plupart des devises latino-américaines ont fondu ces derniers mois face au dollar, renchérissant le coût des importations et alimentant l'inflation.
"Le Venezuela n'est pas seulement, pour la troisième année consécutive, le pays le plus inflationniste au monde, mais en 2015 il va peut-être enregistrer l'inflation la plus élevée de son histoire", cite en exemple Anabella Abadi, de la société de consultants ODH Grupo Consultor, à Caracas.
L'inflation n'est plus publiée depuis plusieurs mois dans ce pays mais dépasserait déjà les 100% par an selon plusieurs experts.
Le pays, qui disposent des plus importantes réserves de brut de la planète, souffre d'un baril de brut qui s'est effondré de 50% depuis 2013.
Pour se relever de cette crise, la région "doit lancer une transition vers un nouveau modèle de croissance qui s'appuie moins sur les matières premières et plus sur d'autres secteurs de l'économie, comme la productivité et les investissements", plaide Alejandro Werner, chef du département Amérique latine au FMI.