Le patron de Thales, Jean-Bernard Lévy, a été élu vendredi administrateur d'EDF, un préalable à son intronisation comme PDG du géant français de l'électricité dans les prochains jours avec en ligne de mire la transition énergétique, un projet cher au gouvernement.
La nomination de M. Lévy, approuvée par 94,25% des actionnaires réunis en assemblée générale, ne faisait aucun doute dans la mesure où l'Etat qui l'a choisi comme futur patron détient 84,5% d'EDF.
"Je pense pouvoir apporter à EDF une expérience industrielle, une connaissance des technologies -- et en particulier du numérique qui révolutionne déjà notre vie -- et puis aussi une expérience de manager, une expérience d'animation d'équipe", a déclaré le dirigeant de 59 ans.
Il s'est décrit aux actionnaires comme un "familier à la fois des arcanes du secteur public et du devoir du service public, mais aussi des obligations qui s'attachent aux entreprises qui sont inscrites dans la compétition mondiale".
Le gouvernement avait créé la surprise à la mi-octobre en décidant de le nommer en lieu et place d'Henri Proglio, un temps donné favori pour un second mandat grâce à un bilan jugé globalement positif, même si ce chiraquien de coeur avait été nommé en 2009 par Nicolas Sarkozy.
La nomination de Jean-Bernard Lévy comme PDG sera proposée dimanche par le conseil d'administration renouvelé. Elle sera ensuite formalisée par un décret présidentiel après validation en conseil des ministres le 26 novembre, au lendemain d'un grand oral devant les commissions des Affaires économiques de l'Assemblée nationale et du Sénat.
"Il ne s'agit pas d'une simple formalité", ont prévenu dans un communiqué les présidents de ces deux instances, le député PS François Brottes et le sénateur UMP Jean-Claude Lenoir.
- Rapprochement avec Areva -
Deux autres personnalités du monde économique rejoignent le nouveau conseil d'administration: l'ancienne présidente du Medef Laurence Parisot et l'ex-patron du constructeur automobile PSA Peugeot Citroën, Philippe Varin.
Ce dernier a confirmé avoir aussi été appelé à la rescousse par l'exécutif pour présider le futur conseil d'administration du groupe nucléaire en difficulté Areva, le principal fournisseur d'EDF.
Les syndicats voient de possibles conflits d'intérêts dans cette double casquette, mais ce mouvement marque surtout la volonté de l'Etat de rapprocher les deux groupes pour assurer la cohérence de la filière nucléaire française, fragilisée par les problèmes opérationnels et financiers d'Areva.
"Je vais tout faire pour qu'avec Jean-Bernard et l'équipe de direction nous mettions en oeuvre toutes les complémentarités entre les deux sociétés, et puis aussi que nous valorisions les atouts de la technologie française, et au premier rang de ces atouts, l'EPR, qui ouvre effectivement une nouvelle page de l'histoire du nucléaire", a assuré M. Varin.
"Je sais que quand on ouvre une nouvelle page de l'histoire, ça ne se fait pas sans petites difficultés", a-t-il ajouté, quelques jours après l'annonce d'un nouveau retard à 2017 du démarrage de ce réacteur de nouvelle génération à Flamanville.
- 'Bonne chance' -
Dès son arrivée, Jean-Bernard Lévy devra s'atteler à de grands chantiers et accompagner le déploiement de la transition énergétique, projet phare du quinquennat qui prévoit une réduction de la part du nucléaire dans la production électrique française.
Il devra aussi orchestrer le "grand carénage", un plan de 55 milliards d'euros d'investissements prévu jusqu'en 2025 pour moderniser les 58 réacteurs nucléaires français en vue d'une prolongation de leur durée de vie au-delà de 40 ans.
Autres défis: la construction de deux EPR à Hinkley Point, en Angleterre, qui pourrait souffrir par ricochet du report du lancement de l'EPR à Flamanville, tout comme la fermeture de deux réacteurs vieillissants souhaitée par le gouvernement.
Chaudement applaudi, Henri Proglio a lui profité de sa dernière assemblée générale comme patron d'EDF pour défendre son bilan à la tête d'une entreprise "rentable" qui, grâce au nucléaire, permettra à la France de mettre en oeuvre sa transition énergétique.
"J'aurais aimé accompagner le lancement de cette phase délicate car un mandat de cinq ans, c'est court", a-t-il regretté tout en souhaitant "bonne chance" à son successeur.