Dans le monde des éleveurs laitiers, il y a ceux qui pensent que la fin des quotas en avril prochain est une opportunité et ceux qui craignent le pire. Mais tous attendent beaucoup de Bruxelles, avec un embargo russe qui a compliqué la donne.
Mercredi, deux des trois principales organisations d'éleveurs avaient mis le sujet à leur menu. D'abord la Confédération paysanne, syndicat agricole minoritaire qui défend bec et ongles les petits paysans et qui tenait une conférence de presse pour faire part de ses inquiétudes.
Les quotas laitiers européens avaient été mis en place en 1984 pour maîtriser les excédents. Depuis 2008, ils ont été augmentés de 1% tous les ans pour préparer le secteur à l'après-quotas.
Mais les éleveurs estiment qu'on ne peut pas passer d'un système totalement régulé au robinet ouvert, sans aucun garde-fou.
- Vers une nouvelle crise du lait ? -
Car si le marché était porteur jusqu'à il y a peu, l'embargo russe sur les produits alimentaires, décidé sur fond de conflit ukrainien, est venu rappeler que le marché du lait n'était pas un long fleuve tranquille.
Les cours, qui avaient commencé à baisser depuis le début de l'année face à une offre abondante partout dans le monde, ont dévissé davantage après cet embargo qui a saturé le marché.
La preuve, selon les éleveurs français, qu'il faut des mécanismes pour continuer de réguler le marché. Ils demandent donc au ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll de défendre leur message à Bruxelles.
La Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), branche de la puissante FNSEA, réclame à Bruxelles la mise en place d'un mécanisme de gestion de crise.
La Confédération paysanne va plus loin et souhaite "un outil de prévention, de gestion dynamique de la production (...)". "Quand un industriel annonce une baisse de prix, il faut inciter les producteurs à produire moins par un système de pénalités", explique Yves Sauvaget, de la commission lait du syndicat agricole minoritaire et éleveur dans la Manche.
Car le syndicat craint une crise "pire" que celle de 2009, surtout si le prix du lait passe sous la barre des 300 euros/l.000 litres (contre 365 euros en moyenne en 2014), "une barre psychologique et économique" pour les éleveurs, craint Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne.
- "Changer de logiciel" -
Sur ce sujet, la FNPL se veut plus rassurante: les fondamentaux restent porteurs, la demande en produits laitiers des pays émergents ne cesse de croître.
Et surtout, "ce n'est pas aux éleveurs de payer l'embargo", insiste Thierry Roquefeuil, président de la FNPL, interrogé par l'AFP.
La FNPL continue d'ailleurs de penser que la fin des quotas représente une opportunité. Mais que, pour la saisir, il faut "changer de logiciel".
Raison pour laquelle l'organisation professionnelle a signé mercredi, en présence de Stéphane Le Foll, un "pacte laitier" noué avec les pouvoirs publics, des banques, Groupama, des organismes techniques de conseil et le fonds d'assurance formation Vivéa.
Le gouvernement s'engage à mettre en place un observatoire des volumes piloté par FranceAgrimer. La FNPL demande d'ailleurs un même observatoire au niveau européen qui aille plus loin que l'actuel lancé par Bruxelles.
Les autres partenaires vont aider concrètement, comme les banques pour faciliter l'octroi de crédits pour agrandir et moderniser les exploitations sachant que les besoins de financement sont estimés à environ un milliard d'euros par an.
D'autre part, avec les industriels du lait de consommation liquide (Syndilait), ils lancent le logo "Lait collecté et conditionné en France", initiative à la mode après les logos Viandes de France et Fleurs de France.
Toutefois la plupart des industriels et aucune enseigne de grande distribution n'ont pris part au projet.
Le ministre de l'Agriculture a prévenu mercredi: "Si on est sorti des quotas, ce n'est pas pour revenir à des quotas".
Mais il a promis d'engager une réflexion avec ses homologues européens lors du prochain conseil mi-décembre pour voir "quels outils, quels mécanismes" pourraient être mis en place. Même s'il reconnaît qu'il est difficile de trouver des alliés européens allant dans ce sens.
Pour sa part, le nouveau Commissaire à l'Agriculture Phil Hogan ne s'est toujours pas exprimé sur le sujet.