Le spectre de l’inflation a été aperçu par un nombre grandissant d’économistes au mois de décembre. D’autres continuent d’affirmer que c’est un mirage, une illusion résultant d’effets de base (on compare les prix actuels à ceux affichés 12 mois auparavant) qui doivent beaucoup à la hausse des matières premières et ne sont pas liés aux hausses des salaires, à l’insuffisance de l’offre, aux achats d’anticipation.
Nous sommes assez partagés face au scepticisme sur le retour de l’inflation. Aux États-Unis, le CPI américain a augmenté de +0,3% de novembre à décembre, ce qui fait apparaître une hausse de +2,1% des prix en 2016, et de +2,2% hors « variables volatiles » (énergie et alimentation notamment, en hausse de +0,2% en décembre). Mais ce pic d’inflation au-delà des 2% risque de ne pas durer vu la force du dollar qui alimente les pressions déflationnistes (les produits importés sont moins chers). Si le CPI ne retombe pas sous les 2% en janvier, alors l’effet « dollar fort » aura montré ses limites.
De même, la faiblesse relative de l’euro, couplée à une hausse parallèle des prix du pétrole, a pu dramatiser le taux d’inflation dans l’eurozone en novembre et décembre. Ce fut le cas notamment en l’Allemagne ou le CPI a fait un bond de +1,7% en décembre… Une flambée à relativiser puisque le dérapage des prix ressort à seulement +0,5% en rythme annuel. Mais ces 0,5% ne veulent peut-être pas dire grand-chose car l’effet de base sur 12 mois produit le résultat inverse de celui observé aux Etats Unis.
Le chiffre le plus fiable concernant l’inflation, c’est probablement celui des prix moyens observés en décembre dans l’Eurozone. Ils sont ressortis en hausse de +1,1%… ce qui est encore loin des +2% visés par les principales banques centrales.
Elles ne manqueront pas de se targuer d’avoir enrayé le risque déflationniste, de faire la démonstration de l’efficacité de 8 ans de planche à billets et d’assurer qu’elles ont la situation bien en main. Elles vont vous garantir qu’aucun dérapage (hyper-)inflationniste n’est à redouter entre aujourd’hui et 2020 (les TLTRO de la BCE courent jusqu’à cette échéance… et sont devenus prolongeables par « tacite reconduction »).
En réalité, la seule jauge d’inflation véritablement fiable, c’est la vélocité monétaire (la vitesse de circulation monétaire)… Or elle demeure très faible si l’on en juge par les résultats des banques américaines publiées depuis une semaine : l’activité crédit, notamment, demeure languissante.
Cela peut paraître contre-intuitif quand on décortique par ailleurs les chiffres « canons » des ventes de logements neufs aux Etats Unis en 2016… Mais prenez par exemple les acheteurs chinois (prix moyen des biens négociés sur le sol américain : 800.000 $) : ils sont 75% à payer cash. En revanche la quasi-totalité de ceux qui achètent des biens en dessous du prix médian (230.000$) contractent un crédit hypothécaire.
Par ailleurs, les ventes de voitures (souvent achetées 100% à crédit, sur 72 mois) plafonnent et les stocks d’invendus s’accumulent sur les parkings des concessionnaires (officiellement +3,2% en décembre).
Heureusement, une industrie fortement consommatrice de crédit continue de bien carburer : il s’agit des « prêts sur marge », ou plus simplement des achats à crédit de valeurs mobilières (actions, ETF, émissions obligataires). Le trading est reparti très fort en fin d’année grâce à l’effet Trump – et peut-être plus encore à l’effet QE infinity de la BCE. Les investisseurs se sont rués sur les valeurs financières à Wall Street (+15% depuis le 09/11/2016, +30% sur les plus grandes banques), sur les télécoms (+10%), et sur la construction (+8%).
Wall Street vient d’enregistrer sa plus forte hausse post-élection présidentielle mais ce n’est que la prolongation du vaste phénomène hyper inflationniste qui se propage depuis 8 ans sur le compartiment actions. Un phénomène qui va de pair (non, en symbiose) avec le gonflement de la dette fédérale ces 8 dernières années, laquelle vient de dépasser pour la première fois le score algébrique du Dow Jones : 19.960 Mds$ de dette, contre 19.800 points pour l’indice.
Alors demain, premier jour d’une nouvelle ère, (20/01), sera-t-il le jour des 20.000 ?