Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Si l’été fut soporifique sur le compartiment « Actions », les spécialistes du Forex (marché des devises) ne se sont pas ennuyés avec la désintégration du dollar. Le billet vert a perdu 6% face à l’euro depuis fin juin (et 15% depuis le 1er janvier, partant d’un plancher de 1,0340). La conjoncture américaine n’est pas vraiment en cause : le PIB vient même d’être revu à +3% au deuxième trimestre, contre +2,6% estimé début août, et le marché de l’emploi est aussi révisé à la hausse sur août. Merci à Janet Yellen qui, au début de l’été, a lâché devant le Congrès : « les taux n’ont plus besoin d’être relevés tant que cela ».
Yellen a établi ce diagnostic alors que la « normalisation » qu’elle entendait mener s’est soldée depuis fin 2014 par 4 tours de vis monétaire au lieu des 8 anticipés à l’origine d’ici mi-2017. Alors certes, il n’y avait pas de calendrier fermement pré-établi – à la différence des précédentes phases de resserrement monétaire – mais personne n’aurait osé parier que la Fed agirait si lentement. La structure actuelle de la courbe de taux (qui s’aplatit) déjoue tous les objectifs affichés par les membres de la Fed depuis 3 ans et Janet Yellen doit réaliser des acrobaties sémantiques pour expliquer qu’en fait, tout se passe à merveille, que les taux sont adéquation avec ses objectifs implicites – qui étaient heureusement suffisamment flous pour ne pas se retrouver en porte-à-faux. Les différentes planètes (croissance, chômage, inflation…) ne se sont comme par hasard jamais alignées depuis 8 ans, donc il apparaît toujours légitime de ralentir l’allure puisque le cap de la normalisation est officiellement maintenu.
▶ Donc la crédibilité de la Fed est sauve ?
Elle est sauve pour l’instant, mais le Dollar paye le prix fort. Il est trop tard pour que la Fed y change quoi que ce soit, mais elle devrait au moins éviter que la glissade se transforme en débâcle, comme ce serait par exemple le cas si le Dollar plongeait cette fois en direction des 1,25 avant le 31 décembre.
Mais pour renverser la vapeur sur le moyen terme, la tâche de la Fed va s’avérer ardue. Elle doit composer avec l’imprévisible locataire de la Maison-Blanche qui a tout promis et rien tenu (en matière fiscale et de grands travaux notamment), avec les déficits US qui atteignent un nouveau plafond (attention au fiscal cliff le 29 septembre) et qu’il va falloir étendre sensiblement. Les dégâts causés par le cyclone Harvey sont déjà estimés à plus de 125 Mds$ par le gouverneur du Texas (et ce n’est pas fini), tandis que Donald Trump a promis d’intensifier la présence militaire américaine en Afghanistan (coût probable d’au moins +30 Mds$ en année pleine), avec cette fois-ci l’appui sans réserve des néoconservateurs du Congrès (ils sont majoritaires au sein du parti républicain, mais également bien représentés au sein de la formation démocrate, Hillary Clinton étant leur chef de file).
Janet Yellen aimerait certainement achever son mandat (encore 5 mois !!) sans avoir à gérer une tempête sur les marchés… ou des turbulences qu’elle aurait elle-même provoquées en voulant rappeler que c’est la Fed qui décide et que personne ne lui dicte sa conduite, en mode « notre politique monétaire ne se décide pas à la corbeille ». Le genre de coquetterie que le marché ne saurait lui permettre.