Les obligations « high yield » ou à haut rendement affichent actuellement une performance négative. Quelles en sont les raisons ? Depuis un peu plus d’un mois, en marge de la correction boursière, les obligations à haut rendement voient leur valorisation baisser et par conséquent leur rendement augmenter.
La remontée des rendements obligataires s’explique principalement par deux raisons que nous allons détailler ci-dessous.
L'impact du ralentissement de la croissance.
Le ralentissement de la croissance économique mondiale pèse sur le moral des investisseurs de manière générale et sur celui des investisseurs en obligations à haut rendement en particulier. Début octobre, le FMI ou Fonds Monétaire International a revu à la baisse les prévisions de croissance mondiale en raison surtout des risques que fait peser sur la croissance mondiale la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis ( hausse des barrières douanières et contraction des échanges commerciaux). Les investisseurs prennent ce ralentissement en compte et cette inquiétude s’ajoute aux autres sources d’incertitudes que sont le Brexit et les tensions sur la dette italienne.
Ce contexte de grande incertitude est favorable à la remontée de l’aversion au risque, qui se traduit par un rejet des actifs les plus risqués. On le voit avec la forte baisse des indices boursiers depuis le début octobre. Les obligations des émetteurs de la catégorie spéculative, traditionnellement très sensibles à l’évolution des indices, accompagnent le mouvement par une baisse de leur prix et une remontée de leurs rendements. ( Pour rappel, le prix d’une obligation et son rendement évoluent à l’inverse l’un de l’autre).
Si toutes les entreprises pâtiront du ralentissement économique de manière générale (diminution de leur chiffre d’affaires et de leurs marges bénéficiaires), celles dont la structure bilantaire est plus fragile, risquent de se trouver confrontées à des difficultés importantes pour honorer le paiement de leurs dettes. Et par conséquent être les premières victimes de ce ralentissement économique. Ralentissement qui, via la remontée prononcée des taux de financement, exerce d’ores et déjà une pression sur les entreprises, et pourrait limiter de plus en plus leur marge de manœuvre pour honorer ou refinancer leur dette. Leur endettement sera donc plus difficile à soutenir.
Selon Ben Sy, responsable obligataire chez J.P. Morgan, le refinancement des dettes sera plus difficile l’année prochaine, en particulier pour les sociétés fortement endettées. ‘Ces sociétés vont devoir payer plus cher pour se refinancer, ce qui va ronger leurs bénéfices sur le long terme’, estime-t-il. Dans ce contexte incertain, les investisseurs revoient donc à la hausse leurs exigences de rémunération pour détenir des obligations à haut rendement ou obligations high yield. En effet, pour se positionner sur ces obligations de qualité spéculative c’est-à-dire pour accepter de prendre ce type de risque, les investisseurs réclament un rendement plus élevé.
Un facteur de nature technique pourrait lui aussi accentuer la méforme des obligations à haut rendement. Non seulement le ralentissement économique pourrait mettre en péril les obligations à haut rendement, mais il pourrait aussi fragiliser les obligations BBB et BBB-, actuellement encore dans la catégorie des obligations de bonne qualité. Certaines d’entre-elles, les plus fragiles, pourraient basculer vers la catégorie des obligations à haut rendement, provoquant de la sorte une surabondance d’offre, difficile à absorber par les investisseurs déjà rendus plus craintifs par le contexte incertain. Il s’agit donc d’être plus que jamais sélectif en sélectionnant les émetteurs obligataires dans lesquels investir.
La politique monétaire accommodante de la BCE et la fin annoncée de son programme de "Quantitative Easing"
Dans le contexte de taux bas que nous connaissons depuis la crise de 2008 suite à la politique accommodante mise en place par la Banque Centrale Européenne en 2012 ainsi qu’au programme de « Quantitative Easing » (programme de rachat d’obligations destiné à maintenir à un niveau très faible les rendements obligataires) que son Président Mario Draghi a initié en 2015 et développé en 2016 avec le rachat d’obligations d’entreprises. Ce programme touchera graduellement à sa fin occasionnant une normalisation à la hausse des rendements obligataires.
La hausse des rendements obligataires enregistrée depuis le début du mois de novembre est d’autant plus marquante que le marché européen des obligations à haut rendement a connu un véritable âge d’or ces dernières années. En effet, à la suite de la politique de « Quantitative Easing » menée par la BCE en vue de relancer l’activité économique, une véritable chasse aux rendements s’est engagée par les investisseurs. Elle s’est traduite par une demande pour des obligations offrant un rendement attractif, soutenant une progression de leur valeur et par conséquent une forte baisse de leurs rendements. Dans le contexte où les rendements des obligations de bonne qualité (dites Investment Grade) rachetées par la BCE, diminuaient à vue d'œil, les investisseurs (fonds de pension, gestionnaires de fonds...mais aussi investisseurs individuels) se sont alors tournés vers des actifs plus risqués pour s’assurer un rendement minimum.
Le nouveau contexte du ralentissement économique a provoqué un mouvement dans le sens inverse avec une remontée des rendements. Les mêmes investisseurs doivent également désormais composer avec la fin prochaine du programme de rachat d’actifs de la BCE. De quoi inciter à davantage de prudence.
Dans ce contexte, que faire ? Diversifier, diversifier et encore diversifier !
De manière générale, il est crucial de diversifier ses investissements. L’adage populaire « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier » reste encore et toujours d’application. Plusieurs sources de diversification sont à considérer.
Diversifier positions et secteurs
Il est impératif que les positions détenues en portefeuille soient suffisamment diversifiées. C’est d’autant plus important lorsque l’on détient en portefeuilles des obligations d’émetteurs dont la qualité peut se fragiliser rapidement. Une règle de diversification facile à mettre en œuvre est celle d’un poids maximum à adopter par émetteur. Même s’il est parfois tentant au vu des rendements affichés d’enfreindre cette règle, la plus grande discipline est recommandée. C’est le bon sens même et dans le cas des émetteurs à haut rendement, cette règle permet de limiter les dégâts en cas d’insolvabilité de l’émetteur. 5% par émetteur semble être le maximum absolu, surtout dans cette catégorie d’obligations. Veillez également à sélectionner des émetteurs dont l'activité relève de secteurs différents.
Diversifier dans d’autres devises
Investir en USD, dans d’autres devises des pays de l’OCDE comme le AUD, le NZD ou dans des devises émergentes, permet aussi de diversifier les risques. Cela permet aussi de bénéficier de rendements supérieurs à ceux de la zone euro, sans pour autant augmenter le risque de crédit, puisque dans ce cas, on sélectionne exclusivement des obligations d’émetteurs de grande qualité.
Conclusions
Pour terminer sur une note positive, la fin du programme de « quantitative easing » de la BCE va normaliser le marché des obligations à haut rendement. Avec cette normalisation, les primes de risque des obligations "high yield" seront davantage en adéquation avec le risque que ce type d'investissement représente. Car le rendement qu’offre un émetteur est la contrepartie d’un risque. Il ne faut jamais perdre cela de vue. Et la véritable question à se poser est la suivante : le risque que je prends est-il bien rémunéré ? Dans le contexte agité des dernières semaines, faut-il bouder ce type d’investissement ? Nous ne le croyons pas. Prendre du risque est une question très personnelle et chaque investisseur est en cela différent. A chacun dès lors d'estimer si le le risque qu'il prend est bien rémunéré. Et surtout DIVERSFIER. S’il n’y a qu’une règle à retenir, c’est celle-là.