Le géant italien de l’énergie Enel (MI:ENEI) vient de placer pour un milliard d’euros d’obligations vertes sur le marché primaire. L’occasion de faire le point sur ces obligations, destinées à financer la transition énergétique, qui ont le vent en poupe.
Au fil des ans, le volume des émissions de dettes écologiquement responsables (green bonds) continue de croitre sur le marché européen. Et à en croire Bloomberg, l'année écoulée n’a pas dérogé à la tendance, une année record selon les calculs de l’agence, avec plus de 55 milliards d’euros émis.
Pour rappel, les obligations vertes sont des obligations tout ce qu’il y a de plus classique pour les investisseurs. La seule différence réside dans l’utilisation des sommes récoltées.
L’émetteur s’engage en effet à financer des projets ou des initiatives écologiques avec les fonds levés, comprenant des investissements dans l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables, la gestion de l'eau, la gestion des déchets, la prévention de la pollution atmosphérique et les transports durables.
Cet essor continu des emprunts verts (+18% comparativement à 2017) contraste avec le creux que connait le segment des obligations non-environnementales, dont le volume d’émission s’est replié d’environ 10% l’année passée. Une baisse liée manifestement au changement de politique de la Banque centrale européenne et aux incertitudes entourant le Brexit.
Toujours selon les calculs de l’agence Bloomberg, les Etats et autres organisations gouvernementales auraient été les plus grands pourvoyeurs de green bond, à hauteur de 38%.
Surfant sur l’enthousiasme pour les placements écologiquement responsables, la Belgique a notamment placé en février sa première obligation verte, devenant au passage le troisième pays européen, et le deuxième de la zone euro, à émettre ce type d’obligation.
Les institutions financières arrivent en deuxième position à hauteur de 34%, suivies par le secteur des utilities qui s’accapare 17% du gâteau.
Les constructeurs automobiles en soutien ?
Si le contexte semble donc moins porteur pour les émissions de dettes conventionnelles, les emprunts verts ont de beaux jours devant eux, et devraient trouver des relais de croissance dans le cadre par exemple du financement du développement de la filière électrique des constructeurs automobiles.
Les Etats devraient également alimenter la tendance. On pense à la France et à la Pologne, tandis que les Pays-Bas ont annoncé leur volonté de lancer une première obligation verte au second trimestre de l’année. L’Espagne pourrait également procéder à son emprunt inaugural.
De nombreux observateurs semblent par ailleurs convaincus que la politique monétaire moins souple de la BCE ne freinera pas l’essor des emprunts verts, pour la simple raison de l’intérêt croissant pour les investissements tenant compte de facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).
On notera dans ce sens que les actifs sous gestion des fonds « verts » en Europe auraient doublé depuis 2013 pour atteindre plus de 32 milliards d'euros, selon le fournisseur de recherche Novethic.
Pour Agustin Martin et Michael Gaynor, analystes chez Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA, les ventes d’obligations « ESG » pourraient en outre être soutenues par de nouveaux outils de certification.
Car si la demande est de plus en plus forte, les investisseurs exigent davantage de garanties quant à l'objectif environnemental et sociétale réel des obligations vertes.
Certains craignent en effet que le concept de « green bonds » ne se réduise à une opération de marketing ou de communication abusive (greenwashing), dont le but serait avant tout de capter une nouvelle catégorie d’acteurs: les investisseurs éthiques ou « socialement responsables ».
Dès lors, pour éviter tout soupçon, les entreprises font de plus en plus souvent appel à des agences de certification indépendantes comme DNV et Vigeo, qui n'est autre que le leader en Europe de l’évaluation de la responsabilité sociale.
Un coupon de 1,50% pour la nouvelle Enel en euro
Comme évoqué en introduction, le géant italien de l’énergie Enel, via sa filiale de droit néerlandais Enel Finance International NV vient de boucler l’émission d’une nouvelle obligation verte, sa troisième sur le marché de la dette en euro.
L’emprunt, remboursable dans six ans et garanti par Enel SPA, a été pricé sous le pair à 98,56%, portant le rendement annuel à l’émission à 1,73%.
Selon le management de l’énergéticien, l’émission a suscité « un intérêt considérable de la part des investisseurs », avec une demande plus de quatre fois supérieure à l’offre.
Enel, principal producteur d'énergie électrique du pays, affectera le produit de l’émission au développement, à la construction et à la réhabilitation d'installations utilisant des énergies renouvelables, à la construction et à l'exploitation de réseaux de transport et de distribution ainsi qu’à la réalisation de projets de mobilité durable, d'éclairage intelligent et d'efficacité énergétique.