De mauvais arbitres…
Jeudi dernier, la BCE avait consterné les marchés, la FED pourrait également les décevoir mercredi prochain lorsqu’elle rendra son arbitrage en faveur – ou contre – une hausse (absurde vu la conjoncture) des taux monétaires US.
La Banque centrale, en charge d’une monnaie de réserve, qu’elle se nomme FED, BCE, BoJ (Bank Of Japan, la Banque centrale du Japon), est toujours en quelque sorte comme l’arbitre du grand match monétaire planétaire.
Un bon arbitre, en théorie, c’est celui qui laisse se dérouler le beau jeu, qui siffle les fautes mais laisse l’avantage quand il y a occasion de but.
Le bon arbitre, c’est aussi celui qui signent les hors-jeux et calme les joueurs un peu « trop chauds » et sort le carton rouge pour ceux qui « taclent par derrière » – ce que n’a malheureusement pas su faire la FED avec les enragés des subprime.
Les fautifs n’ont même pas eu droit à un avertissement : au contraire, le soigneur est même venu leur délivrer un cocktail d’amphétamines et d’anabolisants !
Enfin, le bon arbitre, c’est celui qui sanctionne les simulations grossières au lieu de donner un pénalty dès qu’un joueur se jette au sol en effectuant un salto avant suivi d’une vrille et demie…
Au lieu de cela, la FED, la BCE et la BoJ ont constamment le sifflet à la bouche, les joueurs économiques ne peuvent échanger 3 passes sans qu’il y en ait un qui « fasse le singe » et provoque un arrêt de jeu.
Les Banques centrales n’arrêtent pas de siffler des coups francs de complaisance (baisses des taux) et des pénaltys (Quantitative easing) imaginaires, ça finit par nous donner des scores dignes d’un match de rugby, avec des victoires 16 penalties à 15.
… interdisant tout « beau jeu économique »
En fait, il n’y a plus de jeux, les équipes économiques n’ont plus besoin d’avant-centre, de latéraux, de milieux de terrain, de défenseurs.
Les seuls acteurs qui comptent sont ceux qui revendiquent une grosse « puissance de frappe »: ce sont les banques systémiques et les traders sur les dérivés.Dans un match économique qui ressemble à une séance de tir au but, la tactique, le talent, le « sens du jeu » ne servent plus à rien, la préparation physique encore moins.
Le sort du match repose sur leur science du contrepied face au gardien : le beau jeu est mort, le concept de match (économique), avec tout ce qu’il peut contenir de suspens et de coups de génie est mort. L’arbitre – le banquier central – omniprésent et omnipotent l’a tué : il va falloir du temps pour que les équipes s’en remettent et soient capables de tenir 90 minutes… et de proposer un spectacle décent.
Et en attendant, les gradins sont déserts, le public a déserté (il n’y a plus aucun volume sur l’obligataire, la Bourse est devenue une bataille robotique de dérivés), les actionnaires individuels sont partis à la pêche.
Et que découvrent-ils en consultant négligemment leur smartphone ?
Que les maîtres du monde monétaire de la veille se regroupent au sein du conseil d’administration de PIMCO – qui demeure le plus grand fond obligataire du monde – pour devenir les maîtres du monde des produits de taux.
Et le recrutement de 2 anciens arbitres, Ben Bernanke et Jean-Claude Trichet (ex-directeur de la BCE), puis de l’ancien premier ministre Gordon Brown n’est pas qu’un « coup de com’ » de la part d’Allianz (DE:ALVG). D’autres stars, un peu moins connues, ont été recrutées par l’assureur allemand ces derniers mois : Ng Kok Song, l’ancien chef du fonds public de Singapour (le GIC, l’un des plus riches du monde), fait également partie de cette fine équipe.
Et que penser de l’embauche d’Anne-Marie Slaughter, présidente du groupe de réflexion New America et transfuge du département d’Etat américain (autrement dit, le ministère des affaires étrangères US, celui qui connait tous les grands secrets diplomatiques des États-Unis et de la plupart des nations de la planète) ?
Pour résumer d’une formule: « maitres du monde un jour, maîtres du monde toujours ».
Les nouveaux monarques du XXIèmesiècle
Passer du public au privé, pour peut-être revenir un jour au public, peu importe, l’exercice d’un pouvoir est une drogue puissante et d’autant plus addictive lorsqu’il est question de « pouvoir absolu ». Un pouvoir d’autant plus grisant que dans le cas des banques centrales, il n’y a pas de contre-pouvoir, personne à qui rendre des comptes… et nous découvrons à présent que ce pouvoir a une parfaite continuité avec le privé.
Qu’est-ce qu’il y a de si différent entre arbitrer un grand match de type « finale de coupe du monde » et un match au sommet entre grands clubs de foot privés (multimilliardaires). Ce n’est qu’une (très grosse) affaire de droits TV dans les deux cas.
Tout ce qui compte en fait, c’est que les flux d’agent n’échappent plus jamais à une poignée de personnages omniscients et omnipotents qui sont dispensés de répondre de leurs actes et ne paieront jamais pour avoir la subverti les mécanismes du marché.
Tout comme Louis XIV – monarque absolu – affirmait « l’État c’est moi », les super-arbitres du XXIème siècle affirment eux, haut et fort, « l’argent c’est nous ».
Le marché – et tous les joueurs du match économique, à part ceux qui tirent les pénaltys – peuvent rentrer au vestiaire et raccrocher les crampons : le monde financier n’a plus besoin d’eux… ni de personne d’autre d’ailleurs.