C’est dans un climat relativement incertain pour les entreprises britanniques, Brexit oblige, que Jaguar Land Rover est venu solliciter le marché obligataire ce mardi. Le constructeur haut de gamme venait au passage réveiller un marché de la dette à haut rendement à l’arrêt depuis de nombreuses semaines.
Cet emprunt constituait donc un test à plus d’un titre. Ce que l’on peut en retenir est que le constructeur, propriété de l’Indien Tata Motors, a finalement levé 500 millions d’euros, contre un montant de 700 millions annoncé à l’entame des opérations. En outre, le rendement annuel à l’émission est ressorti à 4,50%, contre un peu moins de 4% avancé au début des pourparlers avec les investisseurs.
Faut-il y voir un mauvais présage pour les émissions à venir? Pas nécessairement. Le fait que le constructeur britannique ait dû offrir plus que prévu pour séduire le marché, est peut-être simplement annonciateur que le risque devra être mieux rémunéré à l’avenir pour l’investisseur obligataire.
On rappellera que la dette senior non-sécurisée émise par Jaguar Land Rover Automotive Plc, filiale du constructeur indien Tata Motors, est considérée comme spéculative par Standard & Poor’s, l’agence lui attribuant un rating « BB ».
Concernant les détails de l’obligation, elle nécessite une mise de fonds de 100.000 euros, est assortie d’un coupon fixe de 4,50% et a été pricée au pair à 100% du nominal.
Dans les premiers échanges, elle se traite sous son prix d’émission à un cours indicatif de 99,80% du nominal, tout profit pour l’investisseur qui souhaiterait se positionner sur l’émission et qui n’a pas pu le faire sur le primaire.
Dans son communiqué, le management de la société explique que le produit de l’émission servira à financer sa croissance, notamment les dépenses en capital, en d’autres termes, les investissements.
Notons que Jaguar Land Rover a également émis des obligations en dollar, dont une remboursable en 2027 affichant un rendement annuel de 7% (coupures de 200.000).
En euro, citons également l'emprunt remboursable dans six ans, disponible sous le pair à 94% du nominal avec un rendement annuel qui atteint 3,45%.
Craintes pour l'industrie britannique à l’approche du Brexit
Avec cette émission, Jaguar Land Rover venait donc tester l’appétit et la confiance du marché, alors que le Royaume-Uni devrait selon toutes vraisemblances quitter l’UE au mois de mars de l’année prochaine, avec les incertitudes que cela implique pour l’industrie du pays.
À ce titre, dans un discours prononcé ce mardi lors d'une conférence à Birmingham, à laquelle assistait la Première ministre Theresa May, Ralf Speth, patron de la marque, a tiré à boulets rouges sur le Brexit.
Estimant qu’un mauvais accord pourrait détruire des dizaines de milliers d'emplois dans l'automobile britannique, Ralf Speth a dit ne pas savoir si les usines du groupe pourront fonctionner au lendemain de la sortie du pays de l’Union européenne.
"Le Brexit doit avoir lieu le 29 mars 2019. Actuellement, je ne sais même pas si la moindre de nos usines d’assemblage au Royaume-Uni sera en mesure de fonctionner le 30". Et Ralf Speth d’ajouter qu’un accès sans entrave au marché unique européen est "aussi important pour notre activité que les roues le sont pour nos voitures".
Alors que Jaguar Land Rover doit ouvrir une nouvelle usine en Slovaquie d’ici à la fin de l’année, Ralf Speth a rappelé qu’à l’heure actuelle, il en coutait déjà moins cher à la société de produire à l’étranger.
"Construire des voitures dans l’Est de l’Europe plutôt qu’outre-Manche nous fait dépenser des milliers de livres en moins. Sur cette base, quelles décisions devrais-je prendre si le Brexit signifie non-seulement une augmentation des coûts mais aussi que nous ne pouvons pas physiquement construire des voitures au Royaume-Uni, en respectant les contraintes de temps et de coûts ?’’, s’interroge Ralf Speth.
Selon l’agence, un porte-parole de Theresa May aurait assuré que les projets de la Chef du gouvernement incluait des propositions spécifiques pour préserver l’emploi dans l’automobile, industrie qui emploie non moins de 850.000 personnes.