Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Manifestement, le nouveau credo de la FED, qui prévaut depuis le 19 décembre dernier, est de prendre la parole uniquement pour provoquer un « effet de ravissement » à Wall Street. Même les « faucons » du mois dernier sont devenus des « colombes », et plusieurs membres de la Réserve fédérale sont venus dispenser le même message apaisant concernant la stratégie de « patience » et de pragmatisme qui aura cours ces prochains mois.
Eric Rosengren et Charles Evans ont « fait le job » hier, rappelant que l’optimisme sur la croissance perdure, ce même si certaines données économiques semblent plus faibles. Et qui oserait encore parler de menace de récession après les 312 000 créations enregistrées le mois dernier outre-Atlantique ?
Au surplus, la FED, qui avait martelé à des dizaines de reprises (en fait à chaque communiqué officiel) le danger que représentait les guerres commerciales, n’a maintenant plus de raisons de maintenir ce discours alarmiste puisqu’un accord serait proche, sinon déjà conclu entre Washington et Pékin.
Il sera tout de même très intéressant de décoder les termes d’un accord qui doit permettre aux deux parties de ne pas perdre la face. Favorisera-t-il la fluidité du commerce bilatéral ? Ecartera-t-il le risque d’une « bunkerisation » des secteurs technologiques dont les Etats-Unis et la Chine se disputent le leadership mondial ?
L’affaire Huawei est en la circonstance très révélatrice, avec un Oncle Sam qui a accusé l’Empire du Milieu d’être en capacité d’espionner les communications véhiculées via la 5G (c’est une présomption). Dans ce contexte, la possibilité législative d’instaurer des sanctions contre les « infractions » commises par des groupes étrangers (et chinois, naturellement) sont une arme très précieuse pour les Etats-Unis, mais on voit mal la Chine se résoudre à tolérer une telle asymétrie.
Aussi pouvons-nous supposer que les « accords » conclus au bout de 48 heures cette semaine ne portent que sur des engagements à réduire les excédents (importations de « soft commodities », de GNL par la Chine) ou des harmonisations de tarifs douaniers. Ne nous emballons pas !
Donald Trump persiste et signe
Wall Street veut y croire, mais Donald Trump peut encore tout gâcher. Depuis le 21 décembre à minuit, il s’est quoi qu’il en soit montré déterminé à ne rien lâcher face aux démocrates pour obtenir les 5 Mds$ nécessaires au financement de la construction du mur avec le Mexique, quitte à prolonger le « shutdown » indéfiniment.
Sur le fond, le président américain se montre tenace, ce qui est une qualité appréciable en politique.
Sur la forme, il fait cependant étalage de tout son mépris pour le débat démocratique, avec une méthode désormais éprouvée : renverser la table et partir en claquant la porte. Exactement ce qu’il a fait en quittant – avant même d’avoir entamé des négociations – la réunion de travail programmée avec les deux principaux représentants démocrates du Congrès (Chambre et Sénat).
« C’était une perte de temps », a déclaré Donald Trump, puisque Chuck Shumer et Nancy Pelosi ont refusé d’approuver le financement du fameux mur.
Aucun des deux camps n’est prêt à reculer, mais avec ce « shutdown » d’une longueur sans précédent depuis 40 ans, de plus en plus de fonctionnaires non rémunérés sont invités à rester chez eux, notamment au sein des services de l’immigration dans les aéroports, d’où d’interminables files d’attente.
Il pourrait également y avoir du retard dans la délivrance des cartes d’alimentation dont bénéficient 48 millions d’Américains défavorisés. Toujours dans le domaine alimentaire, les inspections de la FDA tournent actuellement au ralenti.
Wall Street passe pour l’instant outre ces tracas, mais le fait est que les stocks de produits frais en attente s’accumulent. Ce qui pourrait hélas se terminer par un énorme gâchis…