Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Décidément, c’était la semaine de Mary Daly ! En l’espace de deux interventions en une semaine, la nouvelle responsable de la FED de San Francisco a su se faire un nom auprès des investisseurs de Wall Street.
Après voir estimé en début de semaine dernière que la croissance américaine anticipée et le niveau des taux affiché actuellement étaient proches de l’adéquation, elle a confirmé cette posture jeudi (c’est-à-dire à la veille de la journée des « 3 sorcières ») dans le cadre d’un entretien au Wall Street Journal. De ce fait, Mary Daly ne voit pas « la nécessité d’une hausse de taux supplémentaire en 2019 si l’économie performe comme prévu ».
Précision de taille : à la suite d’une nouvelle révision à la baisse de ses estimations, la Réserve fédérale vise désormais une croissance de 2% (et une inflation de 1,9%) cette année aux Etats-Unis, contre une précédente anticipation de 3% le 19 décembre. Un point de moins en moins de deux mois !
Au global, la faiblesse de la consommation pourrait entraîner une course aux prix cassés et/ou un sacrifice des marges débouchant sur une spirale déflationniste. Une sorte de « cauchemar à la japonaise », ou selon l’exemple de ce qui s’était produit en Allemagne en 2015.
Le spectaculaire retour en grâce des valeurs bancaires
Et comme les mêmes maux appellent les mêmes remèdes – éternellement inefficaces contre la déflation, mais tellement indispensables à l’inflation des actifs – , les marchés se sont repris à rêver au fil des semaines d’un rétablissement de politiques monétaires ultra-accommodantes et même expansionnistes. Ils en ont rêvé et ils ont désormais la quasi-certitude que leur vœu sera exaucé !
Les marchés sont d’ailleurs tellement convaincus qu’ils se sont envolés de 3% (Dow Jones) voire 4% (CAC40) la semaine dernière, Wall Street bouclant en apothéose (séance des « 3 sorcières » oblige) une huitième semaine de hausse consécutive, avec un Dow Jones qui a même signé une progression de 18,5% depuis ses planchers du 24 décembre.
C’est Benoit Cœuré, conseiller économique de la BCE (et ex-patron de la Banque de France), qui a tué le suspens en déclarant vendredi après-midi que le ralentissement observé en Europe était plus prononcé que prévu. En conséquence, l’institution réfléchit à la mise en place d’un TLTRO (NDLR : des prêts à long terme – trois ans – accordés aux banques par la Banque centrale européenne) au cas où la situation se dégraderait davantage.
Cette mesure drastique, véritable remède de cheval, reviendrait presque à promettre d’inonder les banques de liquidités d’ici quelques mois et ce message a été reçu 5 sur 5 par les investisseurs, lesquels se sont aussitôt rués sur les valeurs bancaires.
Vendredi à Paris, BNP Paribas (PA:BNPP), Crédit Agricole (PA:CAGR), Natixis (PA:CNAT) et Société Générale (PA:SOGN) se sont ainsi envolés de respectivement 4,2, 4, 3,4 et 3,2%, doublant ou triplant leurs gains initiaux entre 14h15 et 17h35. Outre-Atlantique, Goldman Sachs (NYSE:GS), JPMorgan (NYSE:JPM), Morgan Stanley (NYSE:MS) ou encore Citigroup (NYSE:C) ont de leur côté tous pris environ 3%, tandis que Bank of America (NYSE:BAC) s’est adjugée 2,5%.
Ces titres, que l’on avait rarement vus aux avant-postes cette année, ont littéralement propulsé le S&P500 vers un nouveau record annuel de 2 775 points, alors que le Dow Jones a de son côté grimpé de 444 points pour revenir à moins de 1 000 points (et moins de 4%) de son record absolu.
Ce rebond a déjà dépassé toutes les espérances au moment même où l’endettement des ménages américains explose les compteurs et atteignait 13 550Mds$ au 31 décembre dernier, soit 870 Mds$ de plus que le record enregistré au troisième trimestre 2008 (12 680 Mds$).
Problème supplémentaire : une bonne partie de la dette automobile est « subprime », et quelque sept millions d’emprunteurs ont déjà 90 jours de retard ou plus.
Pour autant, les banques redeviennent « bankables » et les marchés regardent ailleurs.
Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Ou celui qui ne veut que voir les marchés monter…