Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Des replis hebdomadaires de 1,15% sur le CAC40 et de 2,45% sur le DAX… Quoi de plus classique après les 10% repris depuis le 24 ou le 27 décembre dernier, sachant que les gains annuels ont flirté avec les +7,5% mardi et que 5 semaines de hausse, c’est déjà un sacré rally ?
Mais si de telles hausses justifient bien quelques prises de bénéfices, pourquoi alors les principaux indices américains, qui affichent pour leur part des gains pratiquement deux fois plus importants (notamment le Nasdaq) ne consolident-ils toujours pas et ont-ils aligné une septième semaine consécutive de hausse ?
En réalité, cette septième semaine de hausse d’affilée résulte d’un pur artifice: une embellie de dernière minute, de 0,3% en l’espace de six minutes pour être précis, qui a permis au S&P500 de boucler la semaine sur un gain symbolique de 0,05%, au Dow Jones de grappiller 0,17% au Nasdaq d’engranger 0,47%.
Les algorithmes ont prolongé le beau temps à Wall Street
Soyons clairs : nous avons assisté ici à une manipulation algorithmique des cours destinée à maintenir artificiellement en vie les programmes d’achats associés à des critères techniques de continuation de la tendance. Résultat des courses, à 22h01 vendredi soir, le Nasdaq affichait de nouveau une hausse de 10% pile depuis le 1er janvier. Nous voici donc replongés dans les plus belles heures des cours de clôture préprogrammés et des phases de déconnexion totale avec les fondamentaux.
Auparavant, le repli des indices américains vendredi (-1,1% en moyenne), qui a précipité le CAC40 sous les 4 950 points et l’EuroStoxx50 sur les 3 130 points, était justifié par la résurgence des doutes sur la réalité des avancées des pourparlers entre les Etats-Unis et la Chine autour de la guerre commerciale. A cet égard, Donald Trump a fait savoir qu’il n’y aura pas de réunion au sommet avec son homologue chinois Xi Jinping avant le 2 mars prochain, confirmant ainsi les rumeurs en provenance de l’Empire du Milieu.
Par ailleurs, Wall Street est parvenu à « enchaîner » en dépit d’une nouvelle dégradation des indicateurs macroéconomiques, avec une productivité assez faible au quatrième trimestre, un tassement attendu de l’activité dans le secteur tertiaire ou encore une nette révision à la baisse des perspectives de croissance de l’eurozone (l’objectif officiel a été ramené à +1,3% au titre de 2019, contre +1,9% visé précédemment).
Alors évidemment, avec une croissance deux fois plus robuste attendue aux Etats-Unis, il est assez logique que la préférence des investisseurs aille aux valeurs américaines. Reste que cet argument ne résiste pas à un examen sérieux des faits et que le prétexte du différentiel de croissance est avant tout valable pour les valeurs à rayon d’action « domestique », schématiquement les mid et smallcaps.
Le Russell 2000 a d’ailleurs pris 0,29% la semaine dernière et s’adjuge 11,7% depuis le 1er janvier, c’est-à-dire 50% de moins que les fameux « GAFAM », des multinationales au champ d’action planétaire. Dans le même temps, les poids lourds de la cote en Allemagne n’ont engrangé que 3,3% depuis le début de l’année et ceux de la cote parisienne 4,9%.
Une configuration défavorable pour les grandes banques européennes
Bref, si nous devions retenir deux enseignements de la semaine écoulée, c’est tout d’abord qu’une fois de plus, les gérants américains se sont « refaits du cash » en liquidant des positions en Europe pour soutenir New York. Ensuite, il est apparu que les marchés obligataires anticipent réellement un scénario économique qui n’est guère éloigné de la récession en Europe. Les rendements des dettes souveraines « cœur » ont en effet enfoncé -sauf en Italie, où tout va mal- des planchers de moyen voire long terme.
Les taux longs ont même touché des plus bas depuis début novembre 2016 s’agissant des OAT françaises (à 0,538%, soit un recul de 350 points de base sur la semaine) et depuis mi-octobre 2016 s’agissant des Bunds (à 0,086%, soit un décrochage de huit points sur la semaine). Même compression de la rémunération sur les T-Bonds aux Etats Unis, avec en l’occurrence une détente globale de 6 points à 2,625% (contre 2,684% le 1er février) et un « spread » par rapport au « 1 an » repassé sous la barre des dix points.
Une bien mauvaise configuration pour les banques européennes, dont les marges sont laminées et qui subissent de plein fouet la concurrence des banques « sans guichet », avec une chute de leur rentabilité sur les activités de marché. Ce sont du reste essentiellement les valeurs bancaires qui expliquent la sous-performance des places européennes la semaine dernière, avec un titre Société Générale (PA:SOGN) en repli de 9,3% (-45% sur un an) et une action Natixis (PA:CNAT) qui a cédé 5% (-40% sur un an).
A l’entame de la troisième semaine de février, reste à déterminer ce qui est le plus inquiétant pour la France: la division par trois des créations d’emplois entre 2017 et 2018 à 106 000 (chiffre INSEE) ou le décrochage de 10% des ventes à l’occasion des « soldes d’hiver » dans le commerce de détail…