Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Les marchés actions sont restés en territoire négatif ce jeudi, avec de surcroît des pertes plus marquées en fin de séance. Ce sont surtout les places européennes qui ont été malmenées, avec des corrections allant de 0,55% pour le CAC40 à 1,89% pour le Footsie MIB, le principal indice italien.
Ce mouvement tient sa source dans trois facteurs. Trois catalyseurs majeurs qui font planer un danger absolument considérable sur l’économie européenne et même mondiale.
▶ Donald Trump vs la Fed, le match continue
Mercredi, le compte-rendu (les « Minutes ») de la Fed ont révélé un important consensus pour la poursuite de la hausse de taux. Cette agressivité assumée par les membres du comité de politique monétaire de la Réserve fédérale a même réussi à surprendre les marchés.
Il faut dire que les perspectives étaient déjà très hautes, avec une nouvelle augmentation en décembre déjà acquise à 80%. Plus surprenant, la probabilité de voir une hausse de 0,5% (contre 0,25% lors des relèvements précédents) est passée de 2,2 à 4,9%.
Or, si ce pourcentage demeure marginal, cette donnée n’en est pas moins révélatrice de l’état d’esprit actuel des observateurs, et pour ce qui me concerne je ne suis guère friand de ce genre de positionnements extrêmes !
Le billet vert s’est au surplus fortement apprécié dans la foulée de cette annonce, poussant l’euro sous les 1,15 $. Et de rassurante, la volonté de la Fed apparaît désormais inquiétante.
Le feuilleton de la guerre commerciale n’est en outre pas terminé et les Etats-Unis commencent à ressentir les premiers effets secondaires de la politique de Donald Trump sur leurs exportations.
Davantage contesté et sur la défensive, le président américain ne s’est par ailleurs pas gêné pour faire savoir qu’il n’appréciait pas du tout le ton de Jerome Powell.
▶ Le budget italien fait vaciller l’Europe
Ça ne passe (toujours) pas ! Le Commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires a fait parvenir une lettre aux dirigeants italiens pour leur faire part (ou plutôt leur rappeler) de la non-conformité de leur budget et relever les points suivants :
La croissance des dépenses du gouvernement italien prévue pour l’année prochaine est de 2,7%, alors que la limite maximale fixée par les règles est de 0,1% ;
le déficit structurel de l’Italie en 2019 se creuserait de 0,8% du PIB, alors que l’UE avait demandé une réduction de 0,6% ;
le projet de budget de l’Italie ne garantirait pas la réduction de la dette préconisée par Bruxelles.
Une réponse officielle est attendue pour le 22 octobre, mais la coalition gouvernementale a déjà fait savoir qu’elle se réunira demain pour débattre. Les discussions vaudront leur pesant d’or.
Sur les marchés, on a en tout cas enregistré une forte hausse des taux italiens et, par extension, une baisse des taux allemands comme valeur refuge. En termes chiffrés, le spread Bund/BTP Italiens a franchi hier les 300 points de base. Or, cet écart est LE véritable baromètre de la santé du Vieux Continent actuellement et, sans aucun doute, la fièvre ne diminue pas pour cette Europe malade…
▶ Toujours pas de deal en vue concernant le Brexit
Le Brexit ne finira décidément jamais de nous surprendre. Après avoir fait danser Theresa May puis Jean-Claude Juncker sur du disco, nous avons assisté à une séquence hallucinante…
Ce jeudi, le sommet européen, pourtant dédié au Brexit, s’est en effet tenu… sans qu’il soit évoqué ! Les négociations sont actuellement à l’arrêt complet et la Première ministre britannique, sommée de revoir sa copie, n’a fait aucune nouvelle proposition.
Moyennant quoi, certains dirigeants européens commencent à fustiger la position britannique et accusent le gouvernement de ne pas savoir ce qu’il veut.
Cette impasse accentue encore les tensions, à l’approche d’élections européennes qui seront cruciales pour le projet continental. Au vu des difficultés actuelles d’Emmanuel Macron à être audible sur le sujet et la bonne structuration des partis « souverainistes », avec en chef de file Marine Le Pen et Matteo Salvini, ce scrutin pourrait bien faire vaciller pour de bon une devise européenne déjà en souffrance.
Résumons. Nous avons aux Etats-Unis une vision totalement différente entre l’administration Trump et la Réserve fédérale. Au volant d’un bolide proche de la surchauffe et dopé aux coupes fiscales, le président américain fonce droit sur les banquiers centraux, lesquels cherchent à faire refroidir le moteur de l’engin. Problème : celui-ci roule en équilibre sur un fil, avec un mur en face. A choisir, faut-il préférer le vide ou l’impact ?
En Europe, c’est l’explosion qui menace, avec une BCE pour ainsi dire inexistante et sans marge de manœuvre (sauf à totalement japoniser l’économie), ce qui laisse l’euro face à lui-même. Devant les tensions concernant le Brexit et le budget italien, et à quelques mois des élections, l’avenir semble là aussi bien sombre…
Nous entrons en tous les cas dans une phase de (très) grandes incertitudes, avec des remèdes qui sont sans doute plus nocifs encore que les maux et une visibilité qui se réduit sur les marchés à la même vitesse que la nuit tombe en cette fin de mois d’octobre.
Or, il est à craindre que la situation ne s’arrange pas de sitôt. En effet, la seule et unique raison d’un Krach, c’est le manque de perspective. Et je crois bien que là, tous les ingrédients sont désormais réunis.
Bon week-end quand même…
Jérôme