Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Pour Jerome Powell, c’est un peu comme si c’était Noël avant l’heure…
Wall Street enchaîne les séances de hausse et les records. Un scénario classique à la veille de la séance des 4 sorcières où les indices US ont pris l’habitude d’établir de nouveaux records absolus.
Actuellement, les investisseurs payent la rumeur d’un compromis trouvé entre républicains et démocrates sur le texte de la Tax Reform, laquelle pourrait donc être adoptée avant Noël. Nous assistons donc à la 158e séance de hausse inspirée par un taux d’imposition de 21% dès 2018 et de 20% en 2019 et par l’amnistie fiscale au profit des multinationales.
Il ne faudrait cependant pas que les républicains perdent un second sénateur ces prochains jours. En effet, la défaite du candidat pro-Trump en Alabama a créé la surprise. Imaginez, c’est comme si Neuilly était devenu communiste (j’exagère à peine). La majorité du GOP (parti républicain) se réduit donc à une seule voix.
Si un seul sénateur républicain fait défection, alors la majorité basculerait en faveur des démocrates au Sénat.
Prêts étudiants et automobiles : les nouveaux subprime à fragmentation
Le président va encore se faire des amis au sein de la population, notamment ceux qui galèrent. En effet, Donald Trump compte geler le plan de reprise de 25 000 prêts étudiants par l’Etat (une disposition le permet en cas de faillite personnelle des emprunteurs). Il y a également des dizaines de milliers de dossiers en instance (défaut de paiement ou cessation complète) que les banques voudraient pouvoir solder.
Les prêts automobiles constituent une autre bombe à retardement. Ou disons plutôt une bombe à fragmentation car il s’agit d’un nouveau gisement de subprime. Ces derniers sont divisés en millions d’emprunts de taille modeste de quelques milliers à quelques dizaines de milliers de dollars.
La Fed préfère la fiction (voire l’utopie) à la réalité
Enfin, il y a la bulle immobilière. Janet Yellen n’a pas dit un mot sur ce sujet pour sa dernière conférence de presse mercredi soir. C’est comme si aucune de ces problématiques ne relevaient de la supervision de la Fed. Cela n’appelle donc aucun commentaire de sa part.
Janet Yellen est beaucoup plus inspirée en revanche par les chiffres du chômage et le taux de 4,1% synonyme de « plein emploi ». Sauf qu’il s’agit d’une pure fiction statistique !
Une nouvelle fois, la Fed disserte sur des chiffres imaginaires et s’abstient de parler des menaces qui planent sur le système.
Nous avons pu lire mercredi une étude qui évoque une pénurie de maisons à vendre. Cela provoquerait une hausse des prix, y compris sur les lots d’ordinaire les plus abordables.
Les constructeurs font le choix de privilégier les grosses unités sur lesquelles ils font le plus de marge. Ils dénoncent également l’empilement des taxes et des réglementations qui renchérissent le coût des terrains.
Les petits budgets victimes de la course aux rendements des institutionnels
Sur les 630 000 maisons qui seront construites en 2017, 55% seront proposées à plus de 300 000$. Et pour celles qui se situent dans la fourchette 250 000/300 000, les primo-accédants qui disposent des plus petits budgets se retrouvent en concurrence avec des acheteurs fortunés ou institutionnels à la recherche de rendement. Ceux-ci sont parfaitement conscients que les loyers progressent plus vite que les prix immobiliers. Ces derniers, de toute façon, deviennent inabordables pour la classe moyenne. Les acheteurs potentiels doivent patienter pour réunir les fonds suffisants. Et en attendant, ils n’ont pas d’autre choix que de louer.
Les locataires représentaient 36% des ménages au troisième trimestre de 2017, soit une hausse de 31% en 2007. Le taux de chômage est infiniment plus élevé que ce que traduisent les statistiques officielles. En effet, il y a peu d’emplois rémunérateurs accessibles. De ce fait, les propriétaires se sédentarisent et le taux de rotation du parc immobilier ralentit. Il y a moins de biens sur le marché.
Un parc immobilier déséquilibré
Mais le phénomène le plus inquiétant, c’est qu’il se construit énormément de maisons pour des acheteurs « riches » et des « manoirs » pour les ultra-riches. En cas de crise, aucun de ces biens ne sera accessible à la classe moyenne, pas plus à l’achat qu’à la location. Il y a bien une inadéquation de plus en plus criante entre la structure du parc immobilier (de plus en plus élitiste) et ce que les ménages américains peuvent s’offrir.
La hausse des loyers ampute le pouvoir d’achat des ménages à faible revenus, le taux d’épargne chute et le surendettement progresse. N’oublions pas qu’au coût du logement, il faut rajouter les taxes locales, le crédit sur la voiture, le crédit pour les études, etc. Mais la Fed table sur +2,5% de croissance en 2018 et persiste à évoquer une inflation contenue à moins de 2%. Jerome Powell peut donc prendre les rênes de la Fed en toute sérénité. Il faudrait vraiment avoir l’esprit pessimiste pour ne pas valider le scénario « Goldilocks » auquel adhère le marché. Surtout avec la Tax Reform comme cadeau de Noël !