La plateforme d'échange de crypto-monnaies QuadrigaCX était relativement peu connue à l’extérieur du Canada jusqu’à ce que son CEO, Gerald Cotton, décède subitement en décembre, lors d’un voyage en Inde. Cela n'aurait pas forcément fait la une des journaux si les 115 000 utilisateurs de la plateforme étaient en mesure de poursuivre leurs activités comme si de rien n'était et d'accéder à leurs actifs numériques, en grande partie des Bitcoin, une fois que le décès est devenu public.
La déclaration de la plateforme d’échange annonçant le décès, publiée le 14 janvier 2019 par sa veuve, Jennifer Robertson, a en effet provoqué des demandes de retrait des fonds par les investisseurs. Cela a conduit à la révélation que Cotton était décédé sans avoir partagé le mot de passe pour les cold wallets où étaient stockés la plupart des fonds des clients, laissant près de 200 millions de dollars canadiens de crypto-monnaie dans les limbes et inaccessibles aux utilisateurs. C’est à ce moment les investisseurs du monde entier ont commencé à y prêter attention.
Au début du mois de février, Robertson, l'exécuteur testamentaire de la succession de Cotton, qui comprend la plateforme d'échange, a demandé la protection de sa dette. La Cour suprême de la Nouvelle-Écosse supervise le cas. Au début, cela semblait approprié, car tous les fonds semblaient avoir été rendus difficiles d'accès. Mais d’autres découvertes depuis, suggèrent une situation beaucoup plus floue...
Le tribunal a désigné Ernst & Young, l'un des quatre grands cabinets comptables du monde, en tant que tierce partie indépendante chargée de suivre les procédures et de procéder à un audit de la plateforme d'échange. Après des semaines de spéculation, E & Y a récemment révélé que six portefeuilles, censés contenir 137 millions de dollars, étaient vides. De plus, selon E & Y, les portefeuilles ont été nettoyés en avril 2018. Autre découverte: il a également été découvert que QuadrigaCX avait apparemment créé plus d'une douzaine de faux comptes.
Les alertes n'auraient pas dû être ignorées
Depuis l'effondrement scandaleux de Mt.Gox., après avoir été piraté pour la deuxième fois en 2014, les plateformes d'échange ont mauvaise réputation. Les nombreux mystères entourant QaudrigaCX vont probablement pénaliser les crypto-monnaies et les plateformes d'échange encore davantage.
Engadget appelle cela "la saga Bitcoin la plus désordonnée à ce jour". Les plateformes d’échanges cryptographiques et les réglementations qui les régissent en sont encore à leurs balbutiements et malgré de nombreux "avertissements", les investisseurs n'ont malheureusement pas toujours été concentrés en priorité sur leur propre sécurité. Effectuer ses propres vérifications - à la fois pour une plateforme d’échange et pour sa gestion - reste peut-être la première étape essentielle pour réussir à investir, que ce soit dans des crypto-monnaies ou des actifs plus conventionnels.
Un certain nombre de drapeaux rouges entouraient déjà QuadrigaCX et son PDG. Il y a plus d'un an, les investisseurs de QuadrigaCX se sont plaints de devoir parfois attendre des semaines, voire davantage, avant de pouvoir retirer des fonds, alors que les transactions dans l'espace de cryptage prennent généralement quelques minutes. Plus récemment, des questions subsistent quant à la véracité de la mort de Cotton. Encore plus bizarre, le Globe and Mail du Canada a rapporté que Cotten était un ex-détenu emprisonné sous un autre nom.
Fait tout aussi troublant, Reuters a rapporté que la Securities Commission (BCSC) de la Colombie-Britannique, la commission de surveillance des valeurs mobilières de la province, ne réglemente pas QuadrigaCX, car elle n’avait jamais indiqué "qu’elle négociait des valeurs mobilières ou des dérivés" ou qu’elle fonctionnait en tant que plateforme d’échange.
Yoav Dror, PDG de PumaPay, une solution de paiement blockchain indique:
«Les développements malheureux de QuadrigaCX prouvent que nous avons besoin de réglementations pour protéger les investisseurs contre toute activité cybercriminelle potentielle, mais également contre les événements naturels ou les catastrophes qui font partie intégrante de notre réalité.
Afin de cultiver la confiance dans les crypto-monnaies et les crypto-projets innovants, nous devons insister pour que des mesures protègent les intérêts de tous ceux qui nous font confiance et qui croient au potentiel des crypto-monnaies."
Selon Alex Mashinsky, PDG de Celsius Network, le principal problème des plateformes d’échange centralisées est le manque de transparence concernant la gestion et les actifs gérés.
«Nous avons besoin d’un nouveau type de sociétés axées sur les intérêts des investisseurs plutôt que sur l’optimisation des bénéfices. QuadrigaCX avait très peu de transparence et a mené à bien un développement limité au cours des dernières années, ce qui a permis aux pirates de tirer parti de ses vulnérabilités et de voler ses pièces. Si votre fournisseur n'émet pas de correctifs et ne fait pas de mises à jour au moins une fois par mois, vous risquez le même sort."
L'enquête sur ce qui s'est réellement passé chez QuadrigaCX et sur le fait de savoir si une partie des actifs sous sa gestion est recouvrable est en cours. Les théories du complot abondent. Phil Zamani, PDG et président du conseil d’administration de Blocko, a déclaré:
«Il existe de nombreuses théories sur ce qui s’est réellement passé dans la débâcle de QuadrigaCX - des réserves fractionnaires [de la plateforme d’échange] aux fonds des clients pour compenser les pertes subies tout au long de l’hiver, en passant par le PDG simulant sa mort et fuyant avec des millions de dollars appartenant à des milliers de clients. Néanmoins, cet événement malheureux nous offre à tous des leçons précieuses, y compris ce qui est vraiment possible lorsque nous faisons confiance, en particulier dans far west de la cryptographie."
Pour Zamani, la leçon la plus importante devrait être apprise par ceux qui croient que l'adoption de la crypto-monnaie en tant que système de paiement va se généraliser. À son avis, cela ne peut se produire que si les clients des plateformes d’échange sont protégés de la même manière que les banques classiques les protègent, de sorte qu'il existe une chance de récupérer les fonds perdus ou détournés.
"Les clients des banques dont les comptes en ligne ont été piratés, leurs cartes de crédit volées ou qui effectuent un paiement accidentel peuvent effectuer des rétrofacturations et récupérer leurs fonds. Le système fonctionne donc à l’avantage du quidam lambda.
Mais comment le quidam lambda utilisera-t-il la crypto-monnaie, où les transactions de suivi du grand livre (la blockchain) sous-jacente sont irréversibles et immuables? S'ils perdent leur argent dans une situation comme celle de QuadrigaCX, ils auront peu de recours. Les transactions sont définitives une fois qu'elles sont confirmées. Une fois que leur argent est parti, il est parti définitivement. La réponse à la question de savoir si le quidam lambda utilisera ou non la crypto-monnaie dans le futur reste à deviner."