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Le (vrai) grand gagnant des élections

Publié le 25/04/2022 13:05
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Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr

Pour Philippe Béchade, le grand gagnant des élections françaises n’est pas celui que l’on croit ; l’affaiblissement de l’Euro face au Dollar, plombé par le creusement des déficits européens au profit des Etats-Unis, pourrait bien propulser la devise américaine vers de nouveaux sommets !

Pas vraiment de coup de chapeau sur les « futures » du CAC40 (il était inchangé par rapport à l’après-clôture de Wall Street, vers 6.525), quelques heures après le résultat officiel du scrutin… puis une chute de -1,8% du CAC à la reprise des cotations (identique à celle de l’EuroStoxx 50) dans le sillage des places asiatiques (-5% à Shanghai, -3,7% à Hong Kong) et du Nikkei (-1,9%) retombé sous 26.600.

Mais pour se mettre dans l’ambiance du second mandat « Macron », BFM Business nous gratifie dès l’ouverture des marchés d’un magnifique mensonge cousu main à la gloire de son champion. Antoine Larigaudrie affirme : « les actions françaises baissent car la semaine a mal commencé en Asie, mais le marché obligataire salue la victoire de Macron avec une détente de -7Pts à 1,345% » (cela représente -5% exactement, ce n’est pas rien !).

Car « en même temps », le Bund efface seulement » -5Pts à 0,873%… mais cela représente en réalité – 5,5%. Autrement dit, tous les bons du Trésor de l’Eurozone reculent de concert avec la lourde chute des indices boursiers et le « spread OAT/BUND » reste totalement figé à 47Pts.

Il n’y a donc strictement aucune « prime » en faveur de notre dette en comparaison avec celle de l’Allemagne, par rapport à l’avant second tour.

Et si vous rajoutez la lourde chute de -0,9% de l’Euro face au Dollar vers un nouveau plancher annuel de 1,0706, cela achève de dissiper tout regain de confiance de notre devise après la confirmation d’une réélection largement attendue du Président sortant, avec une marge un peu supérieure aux estimations d’entre 2 tours 55/45%, puisqu’il l’emporte avec un peu plus de 58,5%.

Une victoire convaincante ?
Une victoire par 57/43 était dans les tuyaux chez les bookmakers londoniens (c’était également mon pronostic, qui était très « mainstream » pour le coup !) mais le rouleau compresseur médiatique – qui a continué de broyer unanimement sa rivale, y compris au-delà de la période de « réserve » (vendredi minuit, donc en toute illégalité) – lui permet de remporter une victoire un peu plus large, que tous ses soutiens se sont empressés de qualifier de « convaincante ».

La seule chose dont les marchés puissent être convaincus, s’ils ne l’étaient déjà, c’est qu’il n’y a plus en France de contre-pouvoir du côté de la presse ou des principaux « networks » (le qualificatif d’organes de propagande serait plus pertinent… c’est un véritable concours de brosse à reluire ce matin, à celui qui se fera le mieux voir de l’Elysée) ; ni aucune sanction en cas de non respect de nos lois… si ceux qui les enfreignent soutiennent le Président.

L’élu va donc pouvoir dérouler son « agenda » qui inclut la retraite à 65 ans (67/68 ans dans les faits avec 45 annuités de travail pour ceux qui auront accompli des études supérieures) et l’instauration d’un état d’urgence permanent au-delà du 31 juillet si la guerre en Ukraine devait se prolonger.

Et en termes de politique internationale ?
En effet, Emmanuel Macron a décidé de placer la France en première ligne face à la Russie (interview dans Ouest-France du 21/04, reprise par Le Monde le 22/04) par son fort soutien militaire (revendiqué) en formant les unités de combat ukrainiennes à l’emploi de missiles et canons dernier cri. Cela s’assimile clairement à de la co-belligérance dans le droit international.

C’est une stratégie à double-tranchant : les potentielles pertes futures subies par les troupes occupantes russes pourraient conduire Vladimir Poutine à revoir ses objectifs à la baisse et à chercher avant les célébrations du 9 mai sur la Place Rouge, une porte de sortie négociée.

Le problème, c’est qu’américains et européens s’ingénient depuis le début à n’en laisser aucune (porte) ouverte, à tel point que plus aucune « rencontre » entre belligérants – comme celles organisées en début de conflit par la Biélorussie ou la Turquie – n’est organisée depuis 1 mois pour obtenir ne serait-ce qu’un cessez le feu.

La guerre s’installe dans la durée et cela permet d’enchaîner les sanctions et d’accoutumer l’opinion publique au concept de « sacrifices » à consentir pour « gagner la paix », en prétendant asphyxier la Russie financièrement par le biais de l’embargo total sur son gaz, son pétrole, ses matières premières, ses engrais, etc.

Nous devrons donc supporter une forte hausse du prix de l’énergie, de la nourriture (sans engrais, moins de blé, moins de maïs et moins de colza qui rentre pour 7% dans la composition du diesel que nous consommons).

Si la Russie n’a pas encore perdu, les Etats-Unis ont en revanche déjà tout gagné et l’Europe va devoir se saigner financièrement : les US nous fourniront pour les prochaines années du GNL cher et polluant (la liquéfaction du gaz de schiste est fortement génératrice de CO2), ils maintiendront leur niveau de production de céréales grâce à leur principal fournisseur, le Canada, et seront les seuls à même de compenser les pertes de volumes en Europe sur le marché international.

De pire en pire pour les déficits
L’Europe semble donc se diriger tout droit vers l’explosion de ses déficits et probablement une récession : cela suffit déjà à rendre le tableau très compliqué pour les dirigeants qui vont devoir affronter cette situation, les banques centrales ne voulant plus rajouter d’huile monétaire sur le feu de l’inflation.

Sans imaginer le pire, c’est-à-dire une généralisation du conflit avec la Russie sur le sol européen, la situation de l’Euro se complique : le Dollar s’est nettement raffermi à la veille du weekend, progressant tout au long de la journée pour finir au plus haut, comme en témoigne le Dollar Index qui prenait +0,6% pour inscrire un nouveau record annuel à 101,30 ; tandis que l’Euro s’enfonce de -0,7% sous les 1,0770, malgré des rendements records sur nos OAT et les Bunds (à 1,42% et 0,97% respectivement).

Les cambistes gardent également en mémoire les propos de Jerome Powell tenus jeudi dernier (le 20/04): il prépare Wall Street à 3 hausses de 50Pts du taux directeur d’ici le milieu de l’été (ce qui le situera dans la fourchette 1,750/2,000% à l’issue du FOMC du 27/28 juillet).

Le rendement tendu des T-Bonds illustre cette anticipation : le « 10 ans » flirte avec ses pires niveaux depuis la fin 2018. A près de 2,915%, le « 20 ans » a fait une incursion vers 3,1800%, et le « 30 ans » plafonne vers 2,93%.

Faut-il y voir un présage pour certains pays de la zone Euro ? La Livre a fini en chute libre de -1,5% face au Dollar, après la publication d’un effondrement de -6,3% des ventes de détail au Royaume Uni en avril (contre -2,9% attendu) et d’une forte chute du PMI des « services » de 62,6 vers 58,3.

Pas mieux du côté du PMI « composite » qui dévisse de 60,9 vers 57,6 (au lieu de 59,6 attendu).

Combien de temps les PMI vont-ils rester sur une dynamique positive en France si l’inflation explose pour cause de boycott du pétrole et du gaz russe ? Une stratégie dont ‘Emmanuel Macron est l’un des plus fervents partisans et qu’il va pouvoir poursuivre sous les applaudissements de médias qui lui sont totalement acquis… de quoi ridiculiser toute appréciation divergente de la part des citoyens voyant se désintégrer leur pouvoir d’achat.

Car l’inflation qui le lamine sera aggravée par l’affaiblissement de l’Euro face au Dollar (qui nous sert à payer nos matières premières), plombé par le creusement des déficits européens au profit des Etats Unis.

En d’autres termes, le principal vainqueur des élections françaises, c’est à coup sur le Dollar !

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