Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
En cette veille de long week-end de Pâques et en cette séance des « Trois sorcières », nous aimerions pouvoir vous dire en substance que tout est rentré dans l’ordre. Que la chute de l’automne 2018 ne fut qu’un fâcheux malentendu, que la tendance haussière de moyen terme a repris son cours là où elle avait été stoppée net le 3 octobre 2018, sur des bases fondamentales optimisées, et avec une attitude des banques centrales beaucoup plus collaborative en faveur des marchés.
Mais si les niveaux indiciels sont égaux ou parfois supérieurs à ce qu’ils ont été fin mai ou fin septembre 2018, le fait est que les conditions macroéconomiques ne se sont pas améliorées dans l’intervalle, au contraire. Quant à la capitulation des banques centrales face aux cris de douleur des marchés et aux menaces de Donald Trump (s’agissant de la FED), elle n’est certainement pas bon signe, alors que le rebond ponctuel de l’activité en Chine (et le rally de la Bourse de Shanghai) résulte de forceps monétaires à usage interne et ne se propage pas à travers l’Asie.
Une hausse irrésistible dans des volumes de plus en plus réduits…
En un mot comme en cent, la séquence haussière amorcée le 27 décembre 2018 ou le 3 janvier 2019 (de part et d’autre de l’Atlantique) n’a qu’un lien de plus en plus distendu avec les « fondamentaux », mais de plus en plus étroit avec les « algos ». J’en veux pour preuve la contraction des volumes à mesure que les indices progressent irrésistiblement.
Au bout du compte, nous assistons à une séquence haussière sans précédent en termes de régularité et d’amplitude (plus de 20%) depuis la période allant de début mai à la mi-août 2005 et celle allant du 6 janvier au 27 avril 2015. Au surplus, jamais aucun record absolu n’avait été battu à l’issue d’une séquence de reprise en « V » comme celle que nous venons de vivre, sauf en 1998/1999.
Car oui, des records absolus viennent bien d’être battus ! Parmi eux, le CAC GR (qui, pour rappel, intègre les dividendes des sociétés du CAC40, et auquel les gérants se réfèrent pour calculer les performances que valide l’AMF), qui culmine à 14 696, contre un précédent zénith de clôture de 14 608 points le 22 mai dernier.
Cet indice s’est même hissé vers 14 712 points en intraday et affichait hier soir un gain de 18% à compter du 1er janvier, une performance sur trois mois et demi inédite depuis le printemps 2015.
Le précédent zénith de clôture fut inscrit à 14 608 le 22 mai 2018.
Le Nasdaq 100 n’a pas été en reste, loin de là, ayant pulvérisé son record absolu des 7 700 points inscrit le 1er octobre 2018 dès l’ouverture, culminant ensuite à 7 715 points pour finalement boucler la séance sur des niveaux de 7 680 points, son meilleur niveau de clôture depuis le 29 septembre dernier.
Une aubaine pour Donald Trump
Puisqu’il faut bien rationaliser ce qui ne l’est pas, et alors que l’on manque d’éléments de comparaison – et pour cause, il n’y en pas –, les opérateurs en reviennent à leur habituels mantras de fin de cycle et d’exacerbation des bulles boursières : il y a tant de titres en retard, tant de belles histoires, tant de résultats supérieurs aux attentes (80% parmi les 10% d’entreprises du Nasdaq qui ont déjà publié leurs trimestriels) !
Nous sommes donc en plein rêve éveillé et il a pour nom « goldilocks », un scénario conforté par la publication du Livre Beige de la FED, lequel révèle que l’activité économique a une croissance « modérée », mais « en légère accélération » en mars et début avril.
Certaines antennes régionales de la Réserve fédérale américaine ont en outre signalé un renforcement de l’activité, malgré des ventes de détail peu dynamiques et un décrochage des ventes d’automobiles au premier trimestre. L’embellie se situerait semble-t-il du côté de l’immobilier, avec des ventes de maisons en phase de reprise sur fond de détente des taux.
C’est cette anticipation qui constitue l’alpha et l’oméga de l’espérance boursière cette année, alors qu’une majorité d’opérateurs institutionnels se préparent pour une récession mi-2020. Une perspective inenvisageable du point de vue de Donald Trump, qui a besoin d’une croissance et d’un Wall Street au zénith pour assurer sa réélection en novembre 2020.