Sur l'écran de contrôle, les parcelles ensemencées, mais non traitées, s'affichent en vert. Celles qui apparaissent en bleu ont été "pulvérisées". Sur le champ en rose, un ouvrier conduisant un tracteur connecté travaille. L'agriculteur, lui, est dans son bureau.
L'agriculture de précision, connectée, qui utilise services de télé-détection, systèmes d'aide à la décision ou autoguidage pour les tracteurs à l'aide de GPS et de traitement de données, se développe massivement.
Sur le stand du constructeur américain John Deere au salon SIMA des équipements agricoles à Villepinte (Seine Saint-Denis), la démonstration est ébouriffante: "à condition d'avoir un GPS, le tracteur sait à 5 centimètres près où il doit mettre de l'azote dans le champs et comment il doit faire varier les doses selon les endroits", explique Loic Lepoivre, qui a développé le concept d'agriculture de précision pendant 15 ans au sein du groupe.
Les stands du SIMA ainsi que ceux du salon de l'Agriculture, porte de Versailles à Paris, regorgent de drones, cartes satellites, tablettes et capteurs en tous genres. Et des acteurs qu'on n'aurait jamais imaginé dans le secteur agricole sont présents. Même Airbus (PA:AIR) est de la partie, pour promouvoir son portail web de conseils en céréales ou colza, à l'aide d'images satellites.
Dans les allées du SIMA, Clément Joos, 21 ans, apprenti-ingénieur de Wormhout dans le Nord, est à l'affût des dernières nouveautés, et discute avec un vendeur du fabricant d'épandeur Sulky, basé en Bretagne, pour repérer l'appareil le plus rentable et adapté.
Son père cultive la terre. Lui, a une autre idée en tête: "Je vais créer une société d'entrepreneur agricole, pour mettre au service des exploitations agricoles les matériels les plus performants possibles et optimiser leur utilisation", explique-t-il.
- Caméra de contrôle -
La +modulation des doses+ d'engrais, de pesticides ou d'herbicides est un sujet qui passionne et oppose parfois agronomes, techniciens et financiers. Tous rêvent de connaître le nombre de tiges au mètre carré par exemple mais sur le terrain, l'application n'est pas toujours évidente.
Selon Clément Joos, "il ne faut pas forcément être informaticien" pour s'adapter, mais il "faut définitivement être agronome" pour pouvoir se servir efficacement des solutions d'agriculture de précision proposées par les constructeurs: quelle dose de produit utiliser en fonction de la plante, du lieu, de la date, de la température etc.
Dans la Sarthe, "cela n'est plus possible de travailler sans drone", ajoute Arnaud Cheve, négociant en semences et engrais agricoles. "Leur utilisation permet de réduire de 15 à 20% les volumes d'engrais utilisés".
Une fois analysées, les images des parcelles renvoyées par les drones permettent d'avoir une image très précise de l'état des plantations et de leurs besoins.
Les agriculteurs français sont loin d'être tous équipés. Après la mécanisation massive engagée dans les années 60 et 70, une autre révolution est lancée. A 15.000 euros l'équipement, "ça coûte trop cher d'avoir un épandeur à engrais connecté lorsqu'on n'a que 50 hectares de terrain", selon M. Joos.
Surtout que souvent, le conducteur du tracteur a aussi besoin d'une caméra de contrôle pour vérifier si "la nappe" de fertilisant s'est bien répandue.
Dans une étude récente, le cabinet Xerfi souligne que "malgré son potentiel à l'horizon 2020, le marché français de l'agriculture de précision reste embryonnaire".
Les services de télé-détection, qui croisent image satellite (ou de drones) et modèles agronomiques, "vont devenir incontournables au pilotage des cultures" souligne Xerfi dans son étude. Le modèle économique s'oriente vers une facturation à l'usage avec des conseils sur le terrain.
L'offre se structure peu à peu. L'organisme de recherche public Arvalis et Météo France viennent de croiser leurs compétences pour proposer aux coopératives Tameo un conseil en temps réel, à la parcelle, en fonction de la météo dans l'heure ou les neuf jours qui suivent.
Dans les immenses propriétés agricoles d'Europe de l'est, en Ukraine ou en Pologne, les constructeurs sont à la fête. "Nous avons vendu des équipements dans des fermes de 100.000 hectares", confie un équipementier.