Les agriculteurs sont de nouveau sur les routes pour crier leur colère alors que la crise de l'élevage perdure, aggravée par des epizooties, et s'étend à d'autres filières comme les céréales ou les fruits et légumes.
QUESTION: Pourquoi les agriculteurs sont-ils de nouveau sur les routes ?
REPONSE: Les filières d'élevage (lait, boeuf et porc) ont vu leurs prix s'effondrer en 2015 en dessous de leurs coûts de production mettant les éleveurs dans des situations intenables.
Malgré l'intervention du ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, pour essayer de trouver un accord avec les autres acteurs de la filière, industriels et grande distribution, les prix ne sont pas remontés en ce début d'année. La rallonge de 125 millions d'euros aux 700 millions du plan d'aide aux éleveurs annoncée la semaine dernière ne les a pas non plus convaincu.
Au niveau mondial, la situation ne s'est pas non plus améliorée: la demande chinoise pour le lait n'est pas repartie et l'embargo russe qui a supprimé un débouché et causé une surproduction de porc en Europe n'est toujours pas levé.
A cela s'ajoute des problèmes structurels que sont les normes et les niveaux de charge des exploitations françaises supérieurs à ceux des voisins européens, dénoncés notamment par la FNSEA.
Q: Pourquoi les agriculteurs français s'inquiètent-ils de leur compétitivité ?
R: Cette inquiétude est très forte dans la filière porcine, où la France a vu ses parts de marché fondre ces dernières années, au profit de l'Allemagne et de l'Espagne.
Les éleveurs français accusent depuis des années l'Allemagne de pratiquer du dumping social, avec l'emploi de travailleurs détachés d'Europe de l'Est dans ses abattoirs, mais aussi du dumping fiscal, en encourageant les éleveurs à frauder sur la TVA pour doper leur production.
Selon des représentants d'éleveurs bretons, les abattages de cochons ont progressé de près de 40% en Allemagne entre 2000 et 2014, tandis qu'ils reculaient de 12% en France sur la même période.
Q: Pourquoi la grippe aviaire a-t-elle aggravé la situation ?
R: La filière foie gras, jusqu'ici en bonne santé, est touchée de plein fouet par l'épizootie de grippe aviaire qui a démarré en Dordogne cet automne. Le vide sanitaire de plusieurs mois décidé par le gouvernement pour enrayer l'épidémie dans les élevages de palmipèdes devrait faire chuter la production de foie gras d'au moins 30% en 2016.
Les fabricants de foie gras craignent de devoir recourir à des mesures de chômage partiel.
Autre épizootie surveillée de très près, celle de fièvre catarrhale ovine (FCO), qui touche les bovins d'une très large zone dans le centre de la France.
Q: Pourquoi d'autres filières comme les céréales ou les fruits et légumes souffrent-elles aussi ?
Une partie des céréaliers, pourtant souvent considérés comme les nantis de l'agriculture, est à la peine. La récolte 2015 de blé a été si abondante à travers le monde que les prix ont chuté d'environ 20%. Les agriculteurs français se sont donc mis à stocker leur moisson, dans l'espoir que les prix remontent, mais leurs revenus sont en berne.
La France, 1er exportateur européen qui écoule la moitié de son blé à l'étranger, souffre cette année sur ses marchés traditionnels du Maghreb et du Moyen-Orient, car elle subit la concurrence de la Russie, de l'Ukraine et de l'Argentine.
Cet hiver, le prix des légumes s'est également effondré, sous l'effet d'un déséquilibre entre une offre précoce causée par un hiver trop doux et une demande insuffisante sur les étals.
La seule filière relativement épargnée par la crise est la viticulture, même si des régions comme le Beaujolais sont confrontées à une baisse des prix. La France a été dépassée par l'Italie en termes de production cette année, mais les exportations de vin français hors de l'Union européenne progressent, notamment vers les Etats-Unis et l'Asie. Elles se tassent en revanche dans l'UE, surtout vers l'Allemagne et le Royaume-Uni.