ROME/ATHENES (Reuters) - La Grèce pourrait organiser un référendum ou de nouvelles élections législatives anticipées si ses partenaires de la zone euro rejetaient ses propositions sur sa dette et sa croissance, a déclaré le ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis.
Le gouvernement de gauche du Premier ministre Alexis Tsipras, issu des élections législatives du 25 janvier, s'est promis de renégocier un programme d'aide internationale synonyme d'austérité budgétaire rigoureuse et de réformes économiques radicales.
Au terme d'un compromis passé avec les autres pays de la zone euro en février, Athènes a jusqu'à la fin avril pour détailler les réformes qui seront mises en oeuvre en échange d'un supplément d'aide. Les ministres des Finances de la zone euro se réuniront lundi à Bruxelles pour débattre d'une liste de réformes soumise par la Grèce la semaine dernière.
Si la Grèce parvient à s'entendre avec ses bailleurs de fonds internationaux sur les réformes à entreprendre, elle pourrait percevoir une dernière tranche de 1,8 milliard d'euros sur un renflouement qui totalise 240 milliards d'euros depuis 2010. Elle pourrait prétendre en outre à recevoir 1,9 milliard d'euros de bénéfices réalisés par la Banque centrale européenne (BCE) sur l'achat d'obligations grecques.
Si, au contraire, Bruxelles en venait à rejeter les propositions grecques, "des problèmes pourraient apparaître. Mais, comme mon Premier ministre l'a dit, nous ne sommes pas inamovibles. Nous pourrions en revenir à des élections, ou organiser un référendum", dit Yanis Varoufakis dans un entretien au Corriere della Sera publié dimanche.
Dans un communiqué, le ministère des Finances explique que Yanis Varoufakis répondait à des questions hypothétiques et que tout référendum aurait "évidemment trait au contenu des réformes et de la politique budgétaire" et non pas à la question de savoir si la Grèce devait rester dans la zone euro ou pas, comme le quotidien italien semblait le suggérer.
"JAMAIS DE 'GREXIT'"
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, estime quoi qu'il en soit que la Grèce ne quittera jamais la zone euro car cela causerait des "dégâts irréparables" à l'UE. "La Commission européenne est d'avis qu'il n'y aura jamais de 'Grexit'", dit-il dans un entretien au Welt am Sonntag. "Personne dans une position de responsabilité en Europe ne travaille sur une sortie de la Grèce de l'union monétaire. Ce pays est et restera membre de l'union monétaire."
Le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, dans une réponse écrite à la liste de réformes athénienne dont Reuters a pris connaissance, pose que "les propositions décrites dans votre lettre devront être discutées plus avant avec les institutions".
La Grèce a demandé à ce que les discussions avec les institutions (Union européenne, Fonds monétaire international et BCE) se tiennent à Bruxelles, voulant couper court au sentiment de perte de souveraineté éprouvé par les Grecs lors de chaque visite régulière de la "troïka" à Athènes ces cinq dernières années.
Le mot "troïka" est objet d'anathème pour les Grecs, d'où la référence aux "institutions".
"Nous sommes d'accord pour que les discussions avec les institutions communes aient lieu à Bruxelles", écrit Jeroen Dijsselbloem. "Les préparatifs techniques pour assurer cette procédure se feront sur le terrain à Athènes".
LE "SILENCE"
L'ex-Premier ministre conservateur Antonis Samaras, devenu chef de la principale formation d'opposition, estime qu'un référendum serait malvenu et qu'il permettrait au gouvernement d'échapper à ses responsabilités.
Le parti socialiste Pasok, qui est également dans l'opposition, juge les propos de Yani Varoufakis "irresponsables, insensés et contradictoires".
Dans son entretien au Corriere della Sera, le ministre dit que jusqu'à présent les partenaires de la zone euro ont répondu par le "silence" à ses propositions visant à remplacer la dette actuelle par des obligations indexées sur la croissance nominale. "J'aimerais que l'Europe comprenne que ce serait une façon de rembourser davantage d'argent et non pas moins", dit-il à propos de ces obligations.
Il ajoute que l'Etat a les ressources nécessaires pour "payer les retraites et les traitements de la fonction publique" et que la Grèce n'a pas besoin d'un troisième prêt pour régler ses factures.
Yanis Varoufakis s'en prend aussi à la BCE qui a plafonné les émissions de dette à court terme, sous la forme de bons du Trésor, de la Grèce.
Selon lui, la BCE doit racheter immédiatement de la dette grecque dans le cadre de son programme d'assouplissement quantitatif (QE), qui sera lancé lundi, et non pas attendre l'été.
(Steve Scherer à Rome, Angeliki Koutantou et Renee Maltezou à Athènes, Jan Strupczewski à Bruxelles, Eric Faye, Guy Kerivel et Wilfrid Exbrayat pour le service français)