Enseignants et cheminots mais aussi pompiers, artistes ou médecins: la grève générale contre l'austérité, convoquée mercredi au Portugal, a remporté la plus forte adhésion jamais enregistrée dans l'histoire du pays, selon les syndicats.
"C'est la plus grande grève jamais réalisée, plus importante que celle de 1988", année de la dernière grève générale unitaire du pays, a déclaré le dirigeant de l'UGT Joao Proença, tandis que son collègue de la CGTP Manuel Carvalho da Silva faisait état de "plus de trois millions de grévistes".
Le mouvement, convoqué par ces deux centrales syndicales, a provoqué la paralysie quasi-totale des transports publics, et tous les vols commerciaux au départ comme à l'arrivée au Portugal ont été annulés, ont constaté les journalistes de l'AFP.
Les syndicats se sont félicités de la forte mobilisation du privé, alors que la ministre du travail Helena André l'a qualifiée de "très réduite", estimant par ailleurs que "si 3 millions de personnes avaient fait grève (...), cela voudrait dire une adhésion de 60,4%, que le pays s'est arrêté", ce qui, a-t-elle dit, "n'a pas été le cas".
A Lisbonne, le réseau du métro est resté fermé toute la journée, et seul un bus sur 4 était en circulation. Le transport fluvial entre les deux rives du Tage était également interrompu, et les chemins de fer ont annoncé la suppression de 75% des trains.
"Nous n'avons eu aucun incident. Les gens comprennent que ce n'est pas une grève pour réclamer des hausses salariales, c'est pour défendre les droits de tout le monde, les allocations familiales...", déclarait à l'AFP José Marques, conducteur de métro à Lisbonne depuis 16 ans.
Après avoir enregistré en 2009 un déficit public record de 9,3% du PIB, le gouvernement socialiste portugais s'est engagé à le ramener à 7,3% cette année et 4,6% l'an prochain, au prix de mesures d'austérité sans précédent, cumulant coupes budgétaires, baisses des salaires (au-dessus de 1.500 euros), suppression de prestations sociales et hausses d'impôts.
La grève a entraîné de très fortes perturbations dans les dispensaires et hôpitaux, où seules les urgences étaient assurées, ainsi que dans l'éducation, avec 75% des enseignants en grève, selon leur syndicat.
Pompiers, employés de banques, artistes, gardiens de prison, fonctionnaires de justice s'étaient également joints au mouvement, tandis que policiers et gendarmes observaient une grève des procès-verbaux.
Selon les syndicats, le mouvement a été "massif" dans plusieurs grandes entreprises avec des usines à l'arrêt dans la construction automobile, l'industrie de la chaussure, du papier ou du liège.
Pour autant, les unions patronales de ces secteurs ont fait état de perturbations "résiduelles", annonçant des taux de grévistes inférieurs à 5% au niveau national.
L'impact de la grève était également quasiment nul dans les commerces ou petites entreprises, selon les différents témoignages recueillis à Lisbonne et en province.
Quelle que soit l'ampleur de la mobilisation, la ministre du Travail, qui a refusé d'"ouvrir une guerre de chiffres", a réaffirmé que la marge de manoeuvre du gouvernement était "pratiquement nulle" alors que le Portugal est dans la ligne de mire des marchés, convaincus qu'après la Grèce et l'Irlande, il sera le prochain pays de la zone euro à recourir à l'aide extérieure.
"Le déficit ne peut pas être au coeur de toutes les politiques. Le déficit ne justifie pas tout", a estimé mercredi soir lors d'une conférence de presse le leader de l'UGT, tandis que le dirigeant de la CGTP dénonçait "des politiques imposées de l'extérieur qui provoquent appauvrissement, récession et chômage".
Le vote définitif du budget 2011 est prévu au Parlement vendredi.