par Andreas Cremer
BERLIN (Reuters) - Volkswagen (DE:VOWG) a publié mercredi sa première perte trimestrielle depuis au moins quinze ans et annoncé que les 6,7 milliards d'euros mis de côté pour couvrir les coûts liés au scandale de la fraude aux tests anti-pollution pourraient n'être qu'un début.
Près de six semaines après les premières révélations sur la manipulation des résultats des tests d'émissions polluantes de certains moteurs diesel, le groupe allemand, premier constructeur automobile européen, est en effet très loin d'être sorti de la plus grave crise de son histoire.
Celle-ci a déjà fait fondre d'un tiers la capitalisation boursière du groupe, elle l'a contraint à changer de président du directoire et elle risque de ternir durablement sa réputation de qualité et de fiabilité.
Sur la seule période juillet-septembre, Volkswagen a essuyé une perte d'exploitation de 3,48 milliards d'euros, conforme aux attentes des analystes, qui la donnaient en moyenne à 3,47 milliards selon le consensus Reuters.
Les comptes trimestriels incluent 6,7 milliards d'euros de provisions destinées à couvrir les coûts liés aux manipulations des tests, qui affectent 11 millions de voitures dans le monde. Ce montant est en légère hausse par rapport à celui de 6,5 milliards évoqués fin septembre, quelques jours après la révélation du scandale aux Etats-Unis.
En conséquence, Volkswagen prévoit désormais que son résultat d'exploitation de l'ensemble de l'année sera "considérablement inférieur" à celui de 2014, qui avait atteint 12,7 milliards d'euros, un record.
"IMPOSSIBLE POUR L'INSTANT D'ESTIMER LES RISQUES JURIDIQUES"
Les estimations du coût du scandale avancées jusqu'à présent prennent principalement en compte le rappel et la modification des véhicules équipés du logiciel de trucage des tests, mais le nouveau président du directoire, Matthias Müller, a expliqué que les provisions allaient probablement augmenter, même s'il est encore trop tôt pour évaluer la facture du volet judiciaire de l'affaire.
"Il est impossible pour l'instant d'estimer les risques juridiques liés au problème du diesel parce que nous ne sommes encore qu'au premier stade d'investigations approfondies et exhaustives, que les facteurs individuels sont complexes et que de nombreuses questions restent ouvertes", explique le groupe dans son rapport trimestriel.
"En conséquence, les provisions correspondantes n'ont pas été intégrées dans les résultats financiers intermédiaires."
Les annonces de mercredi ont toutefois été bien accueillies par les investisseurs: à la mi-journée à la Bourse de Francfort, l'action Volkswagen gagnait 3,19% à 108,50 euros, la plus forte hausse de l'indice Dax, qui progressait alors de 0,63%.
Pour les analystes, le bilan du groupe est suffisamment solide pour supporter les coûts du scandale, qu'ils soient judiciaires, réglementaires ou liés aux rappels à venir, que certains estiment à 35 milliards d'euros.
La trésorerie nette de Volkswagen a en effet bondi de 29% au troisième trimestre à 27,8 milliards d'euros, grâce entre autres à la vente d'une participation de 19,9% dans le japonais Suzuki Motor.
Les réserves de liquidités pourraient encore augmenter au quatrième trimestre grâce au produit d'une opération portant sur la participation dans la société de crédit LeasePlan, valorisée 3,7 milliards d'euros, expliquent des analystes.
LA TRÉSORERIE AUGMENTE
"Nous apprécions le fait que VW ait laissé pratiquement inchangées les provisions liées au scandale", a dit Arndt Ellinghorst, d'Evercore ISI. "Conjugué au très bon niveau de la trésorerie, cela devrait rassurer les investisseurs, actions comme obligataires."
Hors coûts liés au scandale des émissions, le premier constructeur européen prévoit toujours une marge d'exploitation pour l'ensemble du groupe située entre 5,5% et 6,5% sur l'année, après 6,3% l'an dernier.
Volkswagen prévoit de réduire d'un milliard d'euros les investissements de VW, sa principale division, qui devrait rappeler cinq millions de voitures. La marque haut de gamme Audi, qui génère à elle seule environ 40% des profits du groupe, va également couper dans ses dépenses.
Les livraisons du groupe, en incluant les marques Audi et Porsche, ont diminué de 1,5% en septembre, à 885.300 véhicules, et de 3,4% sur l'ensemble du troisième trimestre, à 2,39 millions. Il est ainsi repassé derrière le japonais Toyota (T:7203) au classement mondial des constructeurs sur les neuf premiers mois de l'année, alors qu'il lui avait ravi le premier rang du secteur sur avril-juin.
Volkswagen continue de prévoir un nombre total de livraisons à peu près au même niveau que les 10,14 millions d'unités de l'an dernier, qui constituaient un record.
Le groupe a confirmé que la perte publiée mercredi était la première depuis au moins quinze ans mais, arguant de changements de règles comptables, il s'est dit incapable de préciser à quand remontait la dernière perte trimestrielle.
(Marc Angrand pour le service français, édité par Véronique Tison)