Le parquet a réclamé le renvoi en correctionnelle d'ex-responsables de la société d'investissement Wendel (PA:MWDP), dont l'ancien patron des patrons Ernest-Antoine Seillière, et de la banque JP Morgan Chase, dans une enquête sur une fraude fiscale de dizaines de millions d'euros.
Dans son réquisitoire du 2 novembre, le parquet national financier (PNF) souhaite que JP Morgan Chase comparaisse pour complicité de fraude fiscale. La banque est soupçonnée d'avoir participé à l'élaboration d'un montage ayant permis à quatorze dirigeants et cadres de Wendel, d'éluder des sommes considérables au fisc, a appris jeudi l'AFP de sources judiciaire et proche du dossier.
Si Wendel a toujours relevé que l'affaire ne concerne que des personnes privées, elle avait fortement ébranlé le groupe, l'un des symboles de l'histoire économique française, dans le contexte de la crise financière de la fin des années 2000.
Fondée par Jean-Martin Wendel, premier des Maîtres des forges lorrains, et toujours contrôlée par ses descendants, cette dynastie industrielle avait engagé sa mue en société d'investissement sous l'impulsion de Jean-Bernard Lafonta. Celui-ci était présenté comme un "Mozart de la finance" française à son arrivée comme président du directoire au début des années 2000.
En cause, un programme d'intéressement, baptisé Solfur, un montage complexe nécessitant un endettement massif de ses souscripteurs et la création de sociétés civiles immobilières.
Grâce à ce programme d'intéressement, trois administrateurs - dont M. Seillière, alors président du conseil de surveillance - et onze cadres haut placés, avaient récupéré fin mai 2007 environ 300 millions d'euros d'actions.
Le dispositif imaginé était avantageux, permettant aux souscripteurs de prendre 5% du capital tout en reportant le paiement de l'impôt lié aux plus-values réalisées sur ces transactions.
Mais l'administration fiscale avait trouvé à y redire: Bercy a notifié fin 2010 un lourd redressement de 240 millions d'euros, avec les pénalités, aux personnes concernées par l'opération, avant de déposer plainte en 2012.
Une information judiciaire avait alors été ouverte.
Certains mis en examen estiment avoir été contraints d'adhérer au montage. Les enquêteurs ont notamment fait état de "menaces de licenciement", selon une source proche du dossier.
- Le rôle de Lafonta -
C'est notamment le cas d'Arnaud Desclèves, l'ancien directeur juridique de Wendel qui impute ses pertes dans Solfur à Jean-Bernard Lafonta et à son ancien employeur contre lequel il a déjà perdu plusieurs procédures.
Actuellement jugé dans un dossier de délit d'initiés et de diffusion d'informations trompeuses quand il dirigeait Wendel, Jean-Bernard Lafonta a de son côté toujours assuré que chacun était libre ou non d'adhérer à Solfur.
"Je relève que le parquet requiert le renvoi de Jean-Bernard Lafonta pour complicité de la fraude reprochée à ses anciens subordonnés. Au motif qu'il leur a fourni des instructions pour adhérer à ce schéma", a toutefois réagi l'avocat d'Arnaud Desclèves, Me Alexandre Merveille, sollicité par l'AFP.
Si le parquet devait être suivi par les juges instructeurs, outre Ernest-Antoine Seillière et Jean-Bernard Lafonta, douze cadres ou dirigeants de l'époque, seraient jugés pour fraude fiscale.
Soupçonné d'avoir incité les autres mis en examen à participer au montage délictueux, Jean-Bernard Lafonta serait, si le parquet était suivi, également jugé pour complicité, à l'instar d'un fiscaliste. Son avocat n'a pas souhaité réagir.
"Ce réquisitoire me paraît infondé et précipité puisque nous avons saisi la cour d'appel d'une demande d'annulation de la mise en examen de la banque et que le parquet n'attend même pas de savoir ce qu'elle va dire", a commenté l'avocat de JP Morgan Chase, Thierry Marembert.
"La société Wendel n'est pas concernée par cette procédure", a commenté la société financière, sollicitée par l'AFP. Le cabinet de conseils d'Ernest-Antoine Seillière n'a pas réagi.