Après la chambre des députés, le Sénat argentin devait adopter mercredi le texte autorisant le gouvernement du pays à solder le contentieux sur la dette hérité de la crise économique de 2001, synonyme de nouveau départ pour la troisième économie d'Amérique latine.
Pour cela, l'Argentine devra verser plus de 10 milliards de dollars aux fonds spéculatifs procéduriers, dits fonds "vautours", détenteurs de 7% de la dette argentine.
Alors que 93% des créanciers ont consenti en 2005 et 2010 à ne toucher que 30 à 40% de la valeur des bons, après la faillite de l'Argentine en 2001, pour permettre au pays de se redresser, des fonds "vautours" ont obtenu 75%, en s'appuyant sur la décision d'un tribunal américain.
La session au Sénat a débuté mercredi vers 11h00 (14h00 GMT) et le vote devait intervenir dans la soirée, voire dans la nuit de mercredi à jeudi.
Cet accord coûte cher à l'Argentine, mais il lui permet de retourner sur les marchés internationaux de capitaux, afin de financer les projets de construction d'infrastructures, notamment dans les régions pauvres du nord du pays, une des priorités du président de centre-droit Mauricio Macri.
Au pouvoir depuis trois mois, le nouveau président a mené tambour battant des réformes pour éliminer les mesures protectionnistes introduites par les ex-présidents Nestor et Cristina Kirchner, qui ont gouverné le pays de 2003 à 2015.
Après l'abolition du contrôle des changes et des limitations aux importations, une dévaluation du peso, une baisse de la fiscalité pour les secteurs productifs, le pays sud-américain devient plus attractif pour les investisseurs étrangers.
L'adoption du texte est une victoire politique pour le nouveau président, dont la coalition est en minorité dans les deux chambres du congrès. Le texte, déjà voté par les députés, comprend un plafond d'endettement de 12,5 milliards de dollars.
Tourner la page du défaut de paiement de 2001 est capital dans le tableau de marche de la nouvelle administration.
Cristina Kirchner avait refusé toute concession aux fonds "vautours", estimant que tous les créanciers devaient être remboursés dans les mêmes conditions.
- 'Un pas en avant' -
Ce probable succès parlementaire pour M. Macri laisse apparaître des divisions au sein de l'opposition péroniste au gouvernement. Surtout, il démontre que l'ex-présidente Cristina Kirchner n'est pas en mesure de peser sur le débat politique.
Théoriquement, la coalition kirchnériste du Front pour la victoire (FPV, gauche) dispose de 42 des 72 sièges de sénateurs, mais ils ont semble-t-il fait volte-face. Les parlementaires obéissent en Argentine au gouverneur de leur province, et les gouverneurs sont étroitement dépendants des crédits accordés par le président.
Roberto Lavagna, ministre argentin de l'Economie au moment de la restructuration de la dette de 2005, juge l'accord conclu par le gouvernement Macri avec les fonds spéculatifs "mauvais et extrêmement coûteux".
"Pour résoudre un passif de 90 milliards de dollars de dette, on a émis 35 milliards et aujourd'hui, pour résoudre moins de 5 milliards (de valeur nominale), on émet 12,5 milliards. Les chiffres sont éloquents", dénonce M. Lavagna, qui oppose les restructurations de 2005 et 2010 - pour 93% de la dette - et le règlement en cours du résidu de dette.
Le gouvernement explique qu'il paie le prix de la négligence de la précédente administration et du peu d'empressement mis à résoudre le problème, alors que les intérêts couraient.
Pour le président argentin, il n'y avait pas d'autre issue que le remboursement de la dette, même si les termes ne sont pas à l'avantage du pays sud-américain. Dans le cas contraire, l'Argentine aurait risqué, selon lui, d'entrer dans une phase "d'hyper-inflation et d'ajustements".
Juan Pablo Ronderos, de l'institut économique Abeceb, estime que l'accord "est un pas en avant" mais que cela ne règle pas pour autant les difficultés de l'économie argentine.
Les prochains défis du nouveau gouvernement seront de relancer une économie au bord de la récession et de lutter contre une inflation endémique, qui dépasse les 20% depuis la fin des années 2000. Elle était d'environ 30% en 2015 et atteint déjà 8% pour le premier trimestre.