Entre 170.000 personnes (autorités) et 500.000 (CGT) ont défilé jeudi contre la loi travail lors de manifestations émaillées de violents affrontements à Paris et en province.
Ces affrontements ont fait des blessés graves du côté des forces de l'ordre et des manifestants. Plus d'une centaine de personnes ont été interpellées.
A Paris, 60.000 personnes, selon la CGT, et entre 14.000 et 15.000 selon la préfecture, ont marché entre les places Denfert-Rochereau et Nation. En dehors de la capitale, quelque 209 cortèges ont réuni 155.000 manifestants, dont 15.000 jeunes, selon le ministère de l'Intérieur.
Lors de la précédente journée de mobilisation le 9 avril, 120.000 personnes avaient manifesté en France selon les autorités. Au plus fort de la contestation le 31 mars, elles avaient recensé 390.000 personnes et les syndicats 1,2 million.
Comme lors des précédentes journées, des échauffourées ont éclaté dans la capitale, à Nantes, Rennes ou encore Lyon, en marge des défilés. A Paris, le calme est revenu en début de soirée.
Le Premier ministre Manuel Valls a condamné "avec force les violences d'une minorité d'irresponsables", dans un tweet où il a affiché son "soutien aux policiers". "Quand on organise une manifestation elle doit être encadrée, organisée, maîtrisée et à l'évidence aujourd'hui cette organisation et cette maitrise n'existent pas", a-t-il déclaré ultérieurement devant la presse à Nouméa, où il se trouve en visite officielle. Les auteurs des violences "seront bien évidemment poursuivis par la justice", a-t-il ajouté.
Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a fait état de "24 policiers ou gendarmes blessés, dont 3 très grièvement à Paris" et de "124 interpellations" dans tout le pays. Il a "demandé aux organisateurs de condamner (...) les violences à l'encontre des forces de l'ordre".
Le ministre a fustigé "l'outrance" de "ceux qui essaient d'instrumentaliser" à leur avantage les violences commises en marge des manifestations contre la loi travail ou de Nuit debout, jeudi soir après après avoir rendu visite à l'hôpital à un des policiers grièvement blessé. .
"Ces violences, nous les avons toujours condamnées", a dit Jean-Claude Mailly (FO) sur LCP, faisant valoir qu'elles éclataient "en dehors des manifs, à côté des manifs".
Le président de l'Unef William Martinet a lui aussi condamné les casseurs mais également dénoncé un "usage disproportionné de la force par la police".
- Une Porsche incendiée -
A Rennes, au moins trois policiers ont été blessés, ainsi qu'un manifestant, selon la préfecture.
"Tout le monde déteste la police", criaient des manifestants aux visages dissimulés, notamment à Nantes où une Porsche a été incendiée. A Paris, des Autolib ont été saccagées, ainsi que des vitrines et des abribus, a constaté un journaliste de l'AFP.
A Toulouse, où des manifestants cagoulés ont procédé à des "jets de projectiles nourris", selon la police, les organisateurs ont préféré disperser la manifestation à mi-parcours.
Partout, l'opposition à la loi travail s'affichait : parfois par de simples pancartes barrées d'un "NON!" ou réclamant la "démacronisation" du projet de loi, ou affirmant "eh oh la gauche est dans la rue".
"On a fait bouger les lignes par l'action collective", a déclaré M. Martinet. Le gouvernement peut encore "modifier substantiellement" le texte, a poursuivi M. Mailly.
- 1er mai en ligne de mire -
Depuis le 31 mars, la contestation s'est élargie avec le mouvement Nuit debout. Jeudi dans la soirée, le numéro un de la CGT Philippe Martinez s'est rendu Place de la République, occupée depuis un mois.
"Nous sommes pour la convergence des luttes, mais il y a besoin d'aller discuter avec les salariés", a-t-il déclaré sur place. "C'est bien de crier ici +grève générale+, mais c'est dans les entreprises que les salariés doivent se mettre en grève, et ça c'est plus compliqué", a-t-il reconnu.
Dans la nuit de jeudi à vendredi , les forces de l'ordre ont dispersé vers 01H30 plusieurs centaines de personnes qui refusaient de quitter la place de la République à l'issue d'un nouveau rassemblement qui était autorisé jusqu'à minuit, a constaté un journaliste de l'AFP.
Une fois la place de la République évacuée, la police a progressivement fait reculer les manifestants dans les rues adjacentes. Deux Autolibs et deux scooters ont été brûlés à quelques centaines de mètres de la place, a constaté l'AFP.
Selon les chiffres de la police, la journée contre la loi travail a réuni 8.500 personnes à Nantes (20.000 selon les organisateurs), 5.500 au Havre et à Lyon, 4.800 à Marseille, 4.500 à Bordeaux 4.000 à Rennes comme à Rouen.
L'intersyndicale CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, Fidl, UNL souhaite maintenir la pression à quelques jours du début du débat parlementaire, fixé au 3 mai.
Le 1er mai sera donc aussi focalisé sur le projet de loi, perçu comme un facteur de précarité pour les salariés et comme trop favorable aux employeurs, en leur donnant par exemple plus de latitude en matière d'aménagement du temps de travail.
Le 3 mai, les opposants devraient se mobiliser pour appeler les parlementaires à "rejeter" le texte, pourtant déjà expurgé de mesures comme le plafond des indemnités prud'homales. Mais pas d'une mesure inacceptable par les syndicats : la possibilité de laisser un accord d'entreprise primer sur un accord de branche.
Pour le rapporteur de la loi, Christophe Sirugue, le texte pourrait recueillir une majorité, malgré des points restant "à clarifier".