PARIS (Reuters) - A six semaines du premier tour de la primaire, Nicolas Sarkozy persiste à "cliver" face à Alain Juppé avec l'espoir de combler son retard sur le maire de Bordeaux, qui abordera jeudi en position de force le premier débat entre candidats.
Dans une démonstration de force voulue comme un défi au maire de Bordeaux, l'ancien président a réactivé dimanche au Zénith les thèmes de sa campagne de 2012 en se posant de nouveau comme le candidat du peuple, le porte-parole des "déclassés" et de la "majorité silencieuse" face aux "élites".
Devant environ 6.000 militants, il a également puisé dans le répertoire sarkozien le mot "racaille", employé pour la première fois en 2005 lors de son ascension vers l'Elysée, ou la référence aux ancêtres gaulois des Français d'aujourd'hui.
Un déjà-vu raillé par ses concurrents qui y voient une forme de "fébrilité", d'"improvisation".
Les camps adverses relèvent notamment son abus tactique du référendum, qu'il critiquait en 2007 avant d'en proposer un double en 2012 sur les droits et des étrangers et les chômeurs. Désormais, la consultation populaire, annoncée vendredi dernier, porterait sur le regroupement familial et les fichés S.
François Fillon a dénoncé lundi sur Europe 1 un "enfumage" et Alain Juppé une façon d'aborder "les problèmes par le petit bout de la lorgnette".
Cette double consultation organisée le jour du deuxième tour des législatives de 2017 occulterait des questions plus importantes et risquerait de concentrer la campagne sur des thématiques traditionnelles de l'extrême-droite, juge le maire de Bordeaux dans une note publiée sur son blog.
"Veut-on faire la courte échelle au Front national en focalisant tout sur le regroupement familial, les fichés S (...) ?", fustige-t-il.
Pour l'heure, les controverses déclenchées par Nicolas Sarkozy ne lui ont pas permis de refaire son retard sur Alain Juppé.
Au contraire: l'ancien Premier ministre accentue son avance sur Nicolas Sarkozy dans les intentions de vote avec 42% contre 28% à son adversaire au premier tour de la primaire et 62% contre 38% au deuxième tour dans un sondage Kantar Sofres-OnePoint pour RTL, Le Figaro et LCI.
"CLIVER"
"Nicolas Sarkozy a réussi à imposer ses thèmes, mais tout se passe comme si les clivages qu'il crée se retournaient contre lui davantage que contre Alain Juppé", déclare Emmanuel Rivière, directeur général France de Kantar Public, dans Le Figaro.
A l'approche du premier débat, l'équipe de Nicolas Sarkozy dément qu'il y ait "le feu au lac" après une passe difficile dominée par la parution du réquisitoire de Patrick Buisson et de nouveaux éléments sur l'affaire Bygmalion, pour laquelle il est toujours menacé d'un procès en correctionnelle.
"Il faut continuer à suivre son cap, il ne faut pas vaciller, il ne faut pas tirer des bords, il ne faut pas changer de tactique", a déclaré lundi sur Radio Classique Eric Woerth, soutien de Nicolas Sarkozy.
L'ancien ministre juge encore possible de "combler (l)e différentiel" avec Alain Juppé.
"On le peut me semble-t-il si Nicolas Sarkozy arrive à transformer sa principale qualité qui est celle du clivage. Cliver (...) ça veut dire dire des choses qui ne plaisent pas nécessairement à certains mais qui ne sont pas de l'eau tiède", a-t-il plaidé.
Une stratégie assumée ouvertement par l'ex-président qui a fustigé dimanche, sans les nommer, les tenants d'une "alternance molle".
Sûrs de sa capacité de rebond, les soutiens de Nicolas Sarkozy opposent la popularité sondagière d'Alain Juppé - un "phénomène artificiel" selon les termes employés par l'ex-président dans le Journal du Dimanche - à la ferveur bien réelle suscitée selon eux par leur candidat.
"On attend que les autres candidats fassent comme Nicolas Sarkozy, tous les deux jours sur le terrain, tous les deux jours avec des réunions publiques, tous les deux jours avec des salles pleines, avec beaucoup d'enthousiasme", affirmait dimanche Gérald Darmanin, coordinateur de la campagne.
(Sophie Louet et Simon Carraud, édité par Yves Clarisse)