BERLIN (Reuters) - Le chef de l'armée allemande a exprimé jeudi sa frustration face à ce qu'il considère comme une longue négligence en matière de préparation militaire de son pays, dans un discours public inhabituel qui intervient quelques heures après l'offensive russe en Ukraine.
La Russie a attaqué jeudi l'Ukraine par voie terrestre, aérienne et maritime, confirmant ainsi les craintes de l'Occident avec l'offensive de plus grande envergure contre un pays européen depuis la Seconde Guerre mondiale.
"Après 41 ans de service en temps de paix, je n'aurais pas pensé devoir faire l'expérience d'une guerre", a déclaré jeudi le lieutenant général Alfons Mais sur le réseau social professionnel en ligne LinkedIn.
"Et la Bundeswehr, l'armée que j'ai l'honneur de commander, se tient là plus ou moins les mains vides. Les options que nous pouvons proposer au gouvernement pour soutenir l'alliance sont extrêmement limitées".
Les propos d'Alfons Mais ont été jugés "brutalement honnêtes" par des utilisateurs du réseau social, beaucoup d'entre eux soutenant ses critiques envers les gouvernements allemands successifs, accusés de n'avoir pas rempli les objectifs de l'Otan en matière de budget militaire.
L'Allemagne a proposé en janvier de fournir 5.000 casques militaires à l'Ukraine pour l'aider à se défendre contre une éventuelle invasion russe - une annonce que le maire de Kiev, Vitali Klitschko, avait qualifiée de "blague" le laissant "sans voix".
"Nous l'avons tous vu venir mais nous n'avons pas réussi à faire passer nos arguments pour en tirer les conséquences après l'annexion (par la Russie) de la Crimée. Je ne me sens pas très à l'aise. J'en ai assez", a dit le lieutenant général.
Les pays de l'Otan n'ont jusqu'à présent pas été directement menacés, a-t-il ajouté, mais les alliés de l'Allemagne en Europe de l'Est ressentent une pression en constante augmentation.
Les forces militaires allemandes ont été drastiquement réduites après la fin de la Guerre froide, puis formées principalement pour des missions comme celle d'Afghanistan, où l'adversaire était souvent mal équipé et non une armée disposant des technologies les plus modernes.
Un porte-parole de l'armée allemande a refusé de commenter les propos du lieutenant général.
(Reportage Sabine Siebold, version française Diana Mandiá, édité par Jean-Michel Bélot)