Le fonds étatique chinois JIC qui a récemment racheté le français SGD Pharma, numéro un mondial des flacons en verre pour médicaments, assure qu'il lui ouvrira les prometteurs marchés d'Asie... sans sacrifier ses usines en Europe.
A l'heure où la fièvre d'acquisitions de la Chine en Occident n'épargne aucun secteur et où le passage de fleurons technologiques sous pavillon chinois suscite des inquiétudes, les repreneurs s'efforcent de rassurer tous azimuts.
"Notre principe est de nous engager sur la durée (...) Nous ne sommes pas de simples actionnaires, nous appliquons une stratégie de long terme", insiste d'emblée Gu Jianguo, président du fonds China Jianyin Investment (JIC), une firme étatique dont les intérêts vont de la finance à l'industrie. Sa branche JIC Investment gérait fin 2014 environ 13 milliards de yuans d'actifs (1,8 milliard d'euros).
JIC a finalisé début octobre le rachat, pour un montant resté confidentiel, de SGD Pharma: ce groupe, longtemps dans le giron du français Saint-Gobain (PA:SGOB), est le premier fabricant mondial de contenants en verre pour l'industrie pharmaceutique, avec 2 milliards de flacons écoulés en 2015 et un chiffre d'affaires de 290 millions d'euros.
Le fonds américain Oaktree, qui avait racheté SGD en 2010, a séparé les activités de flaconnage liées à la parfumerie de celles destinées à l'industrie pharmaceutique. Seules celles-ci sont reprises par JIC.
"Nous n'avons jamais eu l'intention de déménager en Chine les usines françaises de SGD! L'une a 100 ans d'histoire et elles comptent un précieux vivier d'employés", martèle M. Gu lors d'un entretien à l'AFP, assurant que "l'appareil de production en Europe" sera "consolidé".
Le changement de propriétaire "ne devrait pas avoir d'impact sur l'emploi" ni sur le modèle d'activité, avait déjà affirmé au printemps à l'AFP la direction du français.
SGD Pharma totalise environ 2.750 salariés dans le monde, dont 30% en France, où il possède deux usines (Saint-Quentin, et Sucy-en-Brie près de Paris). Il compte trois autres implantations, en Allemagne, en Inde et dans le sud de la Chine.
Or, JIC --qui ne possédait pas jusqu'alors d'actifs dans l'industrie pharmaceutique-- ne cache pas son intention de s'appuyer davantage sur l'usine chinoise de SGD, "d'un niveau de rentabilité brute très élevé", et de creuser le filon de marchés asiatiques sous-exploités.
- Une mine de brevets -
Pour les bouteilles dites de "type I" (d'un verre très résistant aux produits chimiques et aux chocs thermiques), SGD peut revendiquer 30% du marché mondial, mais avec une portion congrue en Asie.
"Or, si l'on regarde la Chine ou l'Inde, le potentiel est immense (...) Pour les contenants pharmaceutiques en verre, la Chine est quasi-dépendante des importations. Et encore, les flacons de type I ne représentent que 8% des contenants pharmaceutiques en verre en Chine, contre 18% en Europe et 27% aux Etats-Unis", commente Gu Jianguo.
Il en est persuadé: l'essor de la classe moyenne, le vieillissement de la population, la mise en place progressive par Pékin de couvertures sociales plus efficaces et l'attention grandissante des Chinois à leur santé vont faire bondir les dépenses en médicaments.
La Chine devrait voir son marché pharmaceutique gonfler à 167 milliards de dollars d'ici à 2020 contre 108 milliards en 2015, selon une agence du département américain du Commerce.
Mais cette prévision s'établit très en deçà des chiffres avancés quelques années auparavant, prenant acte du net essoufflement des revenus du secteur sur fond de pression étatique pour réduire les prix et de durcissements réglementaires.
"On s'attend à un décollage remarquablement important" sur les flacons en verre, souligne cependant M. Gu. Et d'évoquer ce qui l'a attiré vers SGD: une rentabilité du secteur des contenants pharmaceutiques "très résistante aux fluctuations macroéonomiques"... ainsi que l'éventail de brevets du français.
SGD Pharma a récemment contribué à concevoir un nouveau revêtement protégeant les médicaments liquides, susceptible de permettre la commercialisation de nouvelles préparations.
JIC s'insurge contre l'idée qu'il pourrait brader ces brevets ou se montrer complaisant en matière de contrefaçon: "C'est le coeur de la compétitivité! En tant qu'actionnaire majoritaire, nous allons protéger les brevets scrupuleusement", commente M. Gu. "Sinon, ce serait se tirer une balle dans le pied".