Le gouvernement français va faire marche arrière sur la fiscalité des créateurs d'entreprise, après trois jours de fronde de jeunes entrepreneurs, qui se sont baptisés les "Pigeons" et ont été rejoints par le patronat, contre les mesures fiscales du gouvernement.
"S'il y a des mesures qui choquent ou sont de nature à dissuader l'investissement de ces jeunes entreprises innovantes, il faudra y revenir", a déclaré jeudi le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, alors que des représentants des jeunes entrepreneurs doivent être reçus par les ministres à 16h00.
Seront présents notamment Marc Simoncini (investisseur, fondateur de Meetic), Geoffroy Roux de Bézieux (Virgin Mobile), Nicolas von Bülow (investisseur), Oussama Ammar (entrepreneur) ainsi que Philippe Lemoine (chargé de l'économie numérique au Medef), deux présidents de pôles de compétitivité et celui de la CGPME Jean-François Roubaud, selon Bercy.
Avant cette réunion, M. Moscovici a laissé entrevoir de possibles "amendements" au projet de budget 2013, d'une rigueur historique, qui prévoit d'aligner l'imposition des revenus du capital sur le barème de l'impôt sur le revenu.
Pour désamorcer la colère des "pigeons", qui redoutent de devoir verser 60% de leur plus-value à l'Etat lorsqu'ils revendront leur affaire, le gouvernement a dans un premier temps expliqué qu'il s'agissait d'un taux maximum n'affectant que les plus grosses plus-values. Plusieurs abattements sont également prévus.
Mais cela n'a pas suffi à apaiser le courroux des frondeurs, qui se sont baptisés "Pigeons" sur les réseaux sociaux pour protester contre la mesure.
Ils ont reçu le soutien des organisations patronales, dont la principale, le Medef. Sa présidente, Laurence Parisot, a même parlé de "racisme" anti-entrepreneurs.
"Ce serait un grand signe d'intelligence de dire on arrête cette mesure qui est contreproductive et ultradémotivante dans une ambiance de guerre économique mondiale", a déclaré de son côté jeudi le président du Groupe des Fédérations industrielles (GFI) Pierre Gattaz.
D'une manière générale, le projet de budget est mal perçu dans l'opinion. Si le gouvernement entendait cibler avant tout les grandes entreprises et les plus riches, les 37 milliards d'effort budgétaire ne sont pas jugés "équitables" par 54% des Français, selon un sondage BVA jeudi.
Manifestation annulée
"Quand des mesures sont mal calibrées, il faut (...) avoir un dialogue et éventuellement une correction", a reconnu M. Moscovici sur France Inter.
Le gouvernement ne veut pas "étrangler" les start-up et "des solutions" sont à l'étude pour éviter que les mesures sur la taxation des cessions d'entreprises ne les pénalisent, avait indiqué mercredi soir l'Elysée.
Les "pigeons" y avaient vu une "victoire", via un message sur Facebook. Ils ont décidé d'annuler leur appel à manifester dimanche devant l'Assemblée nationale.
"Nous voulions lancer un débat et celui-ci a lieu", ont-ils constaté.
De son côté, le ministre des Finances, Jérôme Cahuzac, s'est employé jeudi à rassurer, rappelant par exemple qu'un "jeune qui monte une entreprise" ne serait pas mis à contribution s'il s'agissait d'une "entreprise innovante" bénéficiant d'un régime particulier.
Quant à ceux qui ne bénéficient pas de ce régime, "on va les écouter et s'ils nous proposent des choses intelligentes, on s'efforcera de les mettre en oeuvre", a-t-il promis sur Radio Classique.
Pour autant, M. Cahuzac exclut de revenir sur "l'essentiel": "le revenu du capital doit participer à l'effort comme le revenu du travail", promesse de campagne de François Hollande.
Dans le détail, la ministre déléguée aux PME et à l'Innovation, Fleur Pellerin, a évoqué deux "pistes".
Le gouvernement pourrait "moduler un peu" le taux à partir duquel les détenteurs de titres qui réinvestissent leur plus-value dans une autre entreprises bénéficient d'un abattement.
Dans l'état actuel du projet de loi de finances, il faut réinvestir 80% de sa plus-value dans une nouvelle entreprise pour être exonéré, sous conditions.
Bercy réfléchit en outre à faire bénéficier plus tôt les actionnaires de leur propre société, des abattements conçus pour les inciter à conserver leurs titres sur une longue durée. Pour l'instant, le budget prévoit un abattement progressif en fonction de la durée de détention, à partir de deux ans.