Les grands noms de la Silicon Valley se retrouvent mêlés à une guerre avec la droite radicale ("alt-right") américaine sur la liberté d'expression et le "politiquement correct" qui symbolise les divisions de la vie politique et sociale aux Etats-Unis.
Le récent limogeage d'un ingénieur de Google (NASDAQ:GOOGL) qui s'attaquait aux efforts de son entreprise pour promouvoir la diversité hommes-femmes en son sein et qui a été défendu par des sites de la droite radicale comme Breitbart n'en est que le dernier exemple.
Facebook (NASDAQ:FB) a aussi été accusé de ne pas laisser s'exprimer des personnalités considérées comme conservatrices et de biaiser le flux d'actualités qu'il offre à ses utilisateurs. Twitter a suspendu les comptes d'activistes de la droite radicale et de l'extrême-droite les accusant de ne pas respecter les règles qu'il a fixées sur les contenus attisant la haine raciale. Paypal a refusé de transférer de l'argent à des groupes de militants anti-migrants européens en affirmant qu'il ne voulait pas apporter son soutien à des activités soutenant la "haine" et la "violence".
Airbnb a de son côté annulé les comptes de militants d'organisations racistes et d'extrême-droite qui défendaient la discrimination en violation des règles établies par le site d'hébergement chez des particuliers.
En réponse, les activistes dénoncent ces mesures et ont commencé à développer des réseaux sociaux alternatifs et des moyens parallèles de transférer de l'argent.
Dans la Silicon Valley, "vous avez un bon nombre de gens qui sont surtout intéressés par la technologie et qui aimeraient rester apolitiques", souligne Bob O'Donnell, consultant pour Technalysis Research. "Ils se retrouvent mêlés à ces débats et dans une situation difficile", ajoute-t-il.
Il reconnait néanmoins que de par leur emplacement dans le nord de la Californie, les entreprises de la Silicon Valley baignent dans un environnement libéral et démocrate qui déteint sur elles.
- "Fake news" -
Alan Rosenblatt, stratégiste en communication numérique pour des organisations de gauche estime que les activistes de la droite radicale sont frustrés de ne pas avoir su exploiter les réseaux sociaux autant qu'ils le souhaitaient.
"Cela remonte au débat sur les +fake news+ (fausses informations) qui a commencé pendant la campagne présidentielle américaine en 2016", juge-t-il, et aux efforts des réseaux sociaux pour lutter contre des rumeurs comme celle dénonçant un supposé réseau pédophile organisé par Hillary Clinton à partir d'une pizzeria à Washington.
Selon lui, le président Donald Trump "est le premier soutien de l'"alt-right". Il donne une résonance politique à leurs attaques contre la diversité et l'équité sur le lieu de travail".
Dans le cas de Google, le licenciement de James Damore, qui a affirmé dans un mémo publié sur le site interne du groupe que des différences "biologiques" expliquaient le faible nombre de femmes dans les métiers de la technologie, a attiré en retour de critiques selon lesquelles le géant de l'internet n'écoutait pas les opinions divergeant des siennes.
"La Silicon Valley ne résoudra pas ses problèmes de discrimination si le politiquement correct étouffe toutes les conversations", affirme Elaine Ou, elle-même ingénieure pour une firme technologique, dans un éditorial publié par l'agence Bloomberg.
Google a ensuite été contraint d'annuler jeudi une réunion interne sur le sujet de la diversité et de la liberté d'expression au nom de la "sécurité" de certains employés.
Pour certains analystes, une petite minorité d'activistes tente d'imposer ses vues à l'ensemble du secteur technologique. "Un petit groupe de terroristes sociaux ont détourné le discours rationnel tenu par les organisations parmi les plus élaborées, les plus intelligentes et les plus prometteuses de la société", affirme John Battelle, un entrepreneur de la Silicon Valley, également journaliste.
Pour Thomas Main, professeur de science politique au Baruch College de l'université de New York, les récents développements reflètent la prise de conscience que l'internet n'est peut-être pas le monde utopique que certains avaient imaginé. Des "trolls" (trublions) extrémistes "polluent le discours et il faudrait un certain système de contrôle", dit-il.
"C'est un gros problème" car la crainte est que "le gouvernement s'immisce" dans ce contrôle et il n'est pas évident que les entreprises du secteur puissent l'exercer elles-mêmes.
Bob O'Donnell estime que les réseaux sociaux et les autres entreprises technologiques pourraient finir par se séparer selon des clivages politiques comme les médias traditionnels. "Nous pourrions voir à terme une évolution qui verrait un réseau social être plus à gauche, un autre qui serait plus à droite" car "il est devenu très difficile de rester au centre", constate-t-il.