BRACHAY, Haute-Marne (Reuters) - Affaiblie par sa contre-performance au second tour de l'élection présidentielle et les divisions du Front national, concurrencée à l'extrême gauche par Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen a tenté samedi de s'imposer en première opposante d'Emmanuel Macron.
La présidente du FN, très discrète depuis le mauvais score du parti d'extrême droite aux législatives de juin, avait choisi un village de Haute-Marne, Brachay, qui a voté massivement pour elle en mai, pour faire sa rentrée politique au coeur d'une "France des oubliés" dont elle se veut la championne.
"Je reviens avec une grande détermination et le sentiment d'une ardente obligation d'agir", a lancé au début d'un discours de moins de trois quarts d'heure Marine Le Pen, qui peine à se relever de son désastreux débat télévisé de l'entre-deux tours de la présidentielle face à son vainqueur.
Elle a multiplié les attaques contre Emmanuel Macron, son gouvernement et sa politique, à commencer par les défaillances, selon elle, de l'Etat face à l'ouragan Irma dans les Antilles.
"Rien n'a été anticipé. Les moyens de secours et de maintien de l'ordre sont tout à fait insuffisants (...) Nos compatriotes de Saint-Martin privés de tout se voient encore volés et menacés dans leur existence par des bandes criminelles", a-t-elle dit.
Marine Le Pen n'est pas revenue sur ce qui a été l'une des principales propositions de sa campagne présidentielle et l'une des plus contestées jusqu'au sein du FN, l'abandon de l'euro.
Elle a en revanche longuement développé les thèmes de prédilection traditionnels du FN : l'islamisme et la lutte contre le terrorisme, l'"Europe passoire" face à "la bombe à retardement" de "l'immigration de masse".
"Si j'ai entendu une parole jupitérienne, je n'ai pas vu la foudre tomber, ni sur les fichés 'S', ni sur les djihadistes de nationalité française de retour sur notre sol", a notamment déclaré Marine Le Pen.
Aucune des réformes engagées par Emmanuel Macron n'a trouvé grâce à ses yeux, des ordonnances sur le droit du travail à la suppression de la taxe d'habitation pour 80% des ménages en passant par la loi de moralisation de la vie publique ou la réforme de l'impôt sur la fortune.
"COUPS DE BOUTOIR"
"Le macronisme, c'est le triomphe de la classe dominante avec pour seul vernis moral les droits de l'homme et pour seules valeurs et finalité l'argent", a-t-elle résumé.
Elle a dénié au parti Les Républicains (LR) et à la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon la capacité de s'opposer au chef de l'Etat et à son parti, La République en Marche.
"Il n'y a rien à attendre de LR ou ce qu'il en reste", a-t-elle déclaré. Quant à "l'extrême gauche dominée par les islamo-trotskistes de la France insoumise (...) je dis aux travailleurs français, n'ayez aucune confiance en ces gens-là : pour eux l'homme à défendre n'est plus le prolétaire mais le migrant."
"Les Insoumis ne sont pas une opposition, c'est un groupe d'agités qui ne s'oppose pas mais se donne en spectacle, qui ne combat pas la mondialisation mais l'accompagne."
Dans ce contexte, a-t-elle ajouté, le FN est "la seule lueur d'espoir", un "socle de stabilité politique et idéologique" sur lequel construire "la grande alternance de demain".
"Il nous faut donner les derniers coups de boutoir", a-t-elle dit. "La porte est prête de céder, même si ceux qui nous gouvernent (...) redoublent d'efforts pour se barricader."
Elle a invité les militants, sympathisants et soutiens du FN à une "grande refondation du mouvement national", qui passera par une vaste consultation des cadres locaux, élus et adhérents du FN, un congrès, un nouveau nom et de "nouveaux talents".
"Nous devrons réfléchir à élargir nos capacités d'ouverture aux alliances politiques et électorales", a-t-elle dit.
En attendant, les huits députés du FN "seront le fer de lance d'une opposition déterminée" avec ses deux sénateurs, dont Marine Le Pen a émis l'espoir qu'ils seraient plus nombreux après les élections sénatoriales du 24 septembre.
"Ce qui a été semé portera au-delà de nos personnes et de nos carrières le germe du renouveau national dont le pays a tant besoin", a insisté la dirigeante d'extrême droite.
Dans une interview au Figaro, son père, Jean-Marie Le Pen, fondateur du FN, avec qui elle s'est brouillée, l'invite à "reconnaître ses erreurs" et reste hostile à un changement de nom du parti, qu'il juge "totalement absurde".
(Gonzalo Fuentes, avec Emmanuel Jarry à Paris, édité par Gilles Trequesser)