Syndicats et patronat chercheront cette semaine deux compromis, sur la formation professionnelle et sur l'assurance chômage, des négociations distinctes mais intimement liées, puisqu'elles doivent poser les bases d'un droit rénové à la reconversion professionnelle.
Les négociateurs se retrouvent mercredi après-midi sur la formation professionnelle et jeudi après-midi sur l'assurance chômage.
Ils négocient depuis trois mois, sur demande du gouvernement, le deuxième volet de la réforme du marché du travail voulue par le président Emmanuel Macron. Après les ordonnances sur le Code du travail, censées apporter plus de souplesse aux entreprises, les deux réformes en construction doivent apporter plus de sécurité aux travailleurs.
Le menu est copieux. Côté assurance chômage, il s'agit de contrer la recrudescence des contrats précaires et d'ouvrir l'indemnisation aux salariés qui démissionnent pour concrétiser un projet professionnel. Côté formation, l'objectif principal est de doper et de simplifier le compte personnel de formation (CPF).
Si la négociation sur la formation a bien avancé vendredi, ouvrant la voie à un accord, celle sur l'assurance chômage semblait bloquée, butant sur le thème des contrats courts.
Mais les deux sujets sont totalement enchevêtrés puisqu'il s'agit, in fine, de trouver un nouvel équilibre pour sécuriser les parcours professionnels. "C'est au vu de l'ensemble qu'on se positionnera officiellement", a prévenu Yvan Ricordeau, négociateur CFDT sur la formation. Les autres syndicats étaient sur la même ligne.
- Vases communicants -
De quels moyens disposeront les travailleurs s'ils souhaitent se reconvertir? A l'avenir, deux dispositifs, issus des deux négociations, cohabiteront.
Les discussions sur la formation prévoient de remodeler l'actuel congé individuel de formation (CIF), dispositif qui ne nécessite pas de démissionner, en l'incorporant dans le CPF. Les tractations sur l'assurance chômage, quant à elles, portent en germe une nouvelle indemnisation des salariés qui démissionnent avec un projet de reconversion.
Avant tout accord sur l'assurance chômage, les partenaires sociaux veulent s'assurer qu'il ne s'agit pas d'un simple jeu de vases communicants où la nouvelle indemnisation des démissionnaires viendrait compenser un CIF au rabais. Cela déboucherait sur "un système où tout salarié qui veut faire une reconversion serait obligé de démissionner", résume Jean-François Foucard (CFE-CGC).
Vendredi, les syndicats, à l'exception de la CGT, se sont montrés rassurés sur l'avenir du CIF. Son successeur serait certes doté d'une cotisation de 0,1%, au lieu de 0,2% aujourd'hui, mais selon plusieurs négociateurs, des gains "d'efficience" permettraient de "faire au moins autant" avec moins d'argent.
Du côté de l'indemnisation des démissionnaires, le patronat ne souhaite pas, selon les syndicats, dépasser une enveloppe annuelle de 150 millions d'euros, ce qui limiterait le dispositif à 10.000 bénéficiaires maximum.
- Bonus-malus -
Un éventuel accord sur l'assurance chômage est aussi suspendu à l'épineuse question de la lutte contre les contrats courts, dont les abus coûtent cher à l'Unédic. Cela "bloque toujours", assure Jean-Claude Mailly (FO) lundi dans L'Opinion.
Les syndicats jugent insuffisante la solution proposée par le patronat. Le Medef, la CPME et l'U2P veulent renvoyer la question à une négociation dans les quatre secteurs les plus gourmands en contrats de moins d'un mois (intérim, spectacle, hébergement-restauration, hébergement médico-social), tout en "invitant" les autres branches à se saisir de la question si elles le souhaitent.
Pour les syndicats, il manque une sanction financière pour les branches qui ne négocieraient pas ou concluraient un accord jugé insuffisant. Le patronat répond qu'une menace est déjà sur la table: le gouvernement a promis d'instaurer un système de bonus-malus si le dispositif proposé par les partenaires sociaux ne lui convenait pas.
Mais les syndicats doutent de la volonté du gouvernement de mettre sa menace à exécution.
Le bonus-malus est "toujours à l'ordre du jour", a assuré Matignon vendredi, il n'y a "pas de raison de douter de la volonté des pouvoirs publics". Quant à Muriel Pénicaud, ministre du Travail, elle a rappelé que "le gouvernement prendrait ses responsabilités" si les partenaires sociaux ne trouvaient pas "une solution efficace" contre la précarité.