LILLE (Reuters) - Une quarantaine de partisans de Tariq Ramadan ont manifesté jeudi à Lille pour demander la libération de l'islamologue suisse, mis en examen pour viols et détenu en France.
Des sympathisants de cet intellectuel controversé, petit-fils du fondateur égyptien des Frères musulmans Hassan el-Banna, ont prévu d'organiser un autre rassemblement samedi après-midi sur le Parvis des droits de l'Homme, à Paris.
Le rassemblement de la place de la République à Lille, devant la Préfecture, par -5° C, sans banderole, ni slogan, ni affiche, n'a duré qu'une quinzaine de minutes, le temps pour son organisateur autoproclamé de faire un discours.
Cet homme, qui a dit s'appeler Nour et avoir 36 ans mais a refusé de préciser son identité, s'est présenté comme un "citoyen du Nord vivant à Paris".
"Attaquer le professeur Tariq Ramadan, c'est attaquer l'islam", a-t-il déclaré, reprenant un leitmotiv des partisans de l'islamologue, qui se déchaînent ces dernières semaines sur les réseaux sociaux. "Il a éveillé la spiritualité des musulmans. Aujourd'hui, on veut le détruire et détruire les musulmans avec lui. Il faut se battre."
Autre argument des défenseurs de Tariq Ramadan, il a estimé qu'il y avait "deux poids deux mesures", notamment en matière de présomption d'innocence, dans le traitement du théologien et des ministres Nicolas Hulot et Gérald Darmanin, cibles d'accusations d'agressions sexuelles mais toujours au gouvernement.
"Il y a une inégalité de traitement. Est-ce parce qu'il est musulman ?" a déclaré "Nour", qui a aussi dénoncé des conditions de détention "anormales" : "Il est malade et ne peut se soigner (...) C'est indigne et indécent", s'est-il insurgé.
NOUVELLE EXPERTISE MÉDICALE
Ces derniers jours, plusieurs imams du Nord de la France ont apporté publiquement leur soutien au théologien, à l'instar des recteurs de la Grande mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, et de son homologue de Villeurbanne, Azzedine Gaci.
Mais selon un journaliste de Reuters sur place, aucun imam ou autre représentant des autorités religieuses musulmanes n'a participé au rassemblement de Lille.
Tariq Ramadan, mis en examen pour viol et viol sur personne vulnérable à la suite de plaintes émanant de deux femmes, dit souffrir de sclérose en plaque et d'une affection neurologique d'origine indéterminée touchant les membres inférieurs.
Mais un expert médical saisi par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a conclu que ces deux pathologies ne pouvaient "être considérées comme certaines" et que l'état de santé de l'islamologue était compatible avec sa détention.
La chambre de l'instruction a décidé le 22 février de le maintenir en détention provisoire, seul moyen selon elle de l'empêcher de récidiver, d'exercer des pressions sur les témoins ou les victimes ou de prendre la fuite.
"Les investigations ont permis d'entendre trois autres femmes décrivant de la part de Tariq Ramadan un comportement sexuel particulièrement brutal, de telle sorte qu'il est à craindre que celui-ci renouvelle les faits de viol s'il était remis en liberté, fut-ce sous contrôle judiciaire ou assignation judiciaire restrictive", dit-elle ainsi dans les motivations de sa décision, que Reuters a pu consulter.
Selon une source proche du dossier, un des juges d'instruction chargés de ce dossier a demandé une nouvelle expertise médicale dont les résultats sont attendus d'ici fin mars, tandis que Tariq Ramadan a été extrait de sa cellule de Fleury-Mérogis mardi pour être hospitalisé.
(Pierre Savary, avec Emmanuel Jarry, édité par Julie Carriat)