Airbus a remporté lundi une grande victoire au Japon en décrochant la première commande jamais reçue de la part de la compagnie Japan Airlines (JAL), chasse gardée de son rival américain Boeing.
Avec un contrat portant sur 31 avions A350 au prix catalogue de 9,5 milliards de dollars et 25 supplémentaires en option, sa plus grosse commande au Japon, l'avionneur européen brise le monopole de facto dont jouissait son concurrent aidé par les liens historiques de plus d'un demi-siècle entre Tokyo et les Etats-Unis.
L'investissement est important pour JAL, compagnie rescapée de la faillite grâce au secours de l'Etat japonais après son dépôt de bilan début 2010. Le prix catalogue est cependant toujours bien plus élevé que celui réellement consenti aux compagnies.
La commande, ferme, se décompose en 18 A350-900, le premier modèle du nouvel appareil qui doit sortir des chaînes d'assemblage de Toulouse (sud de la France) fin 2014, et 13 A350-1000, version allongée pour 350 passagers, ont précisé les deux firmes lors d'une conférence de presse en présence du PDG d'Airbus, Fabrice Brégier, et de son homologue de JAL, Yoshiharu Ueki.
C'est, selon les mots de M. Brégier, "une percée majeure" qu'Airbus n'avait encore jamais réussie auprès des deux grandes compagnies nippones, JAL et ANA, malgré quelques moyen-courriers vendus à All Nippon Airways (ANA) et d'autres à Japan Air System (JAS) avant sa fusion avec JAL.
Les récents problèmes des Boeing 787 cloués au sol ne sauraient justifier à eux seuls l'intérêt nouveau de JAL pour les A350: la compagnie s'est apparemment laissée convaincre de réduire les risques en diversifiant sa flotte, comme le font la plupart des grands transporteurs aériens mondiaux. JAL a commandé au total 45 Boeing 787.
"Les A350 répondent à nos besoins", a précisé le patron de JAL ajoutant qu'il s'agit d'un "investissement nécessaire". La compagnie dit qu'elle paiera au fur et à mesure sans préciser comment elle se procurera les fonds.
Un changement à la tête de la filiale Airbus Japan en 2010, jusque-là dirigée par un Américain, Glen Fukushima, qui plus est ancien président de la Chambre de commerce des Etats-Unis au Japon, avait préparé le terrain à cette percée. Avec l'arrivée du Français nippophone Stéphane Ginoux, auréolé au Japon de la vente de nombreux hélicoptères Eurocopter, autre filiale du groupe EADS, les discussions s'accentuèrent sur de nouvelles bases plus lisibles.
De plus, Fabrice Brégier a expliqué s'être impliqué personnellement dans la campagne commerciale auprès de JAL quand il a pris la direction d'Airbus à l'été 2012.
Un succès qui tombe à point nommé
Aux dires des protagonistes, emporter le succès de lundi ne fut pas une mince affaire: "les Américains ont mis le paquet pour tenter de dissuader JAL", assure une source au fait de ces négociations.
D'après M. Brégier, Airbus a actuellement 13% du marché nippon, avec 61 avions en opération, mais 44% des commandes japonaises, avec 71 appareils en commande contre 89 pour Boeing. Airbus aimerait aussi vendre à ANA.
Le contrat avec JAL porte à 756 les commandes totales d'A350 dans le monde, un bi-réacteur en matériaux composites qui s'attaquera au marché des long-courriers 777 et du 787 de Boeing. L'appareil a été commandé non seulement par JAL mais aussi par ANA qui en fut la compagnie de lancement et devrait à terme en détenir 66.
La victoire est d'autant plus agréable à savourer pour Airbus que le 787 de Boeing est au tiers produit au Japon, ce que ne manque pas de rappeler régulièrement l'avionneur américain à coup de pleines pages de publicité dans la presse nippone.
Cette commande tombe a point nommé quand son super-jumbo A380 essuie les mauvaises nouvelles. La compagnie allemande Lufthansa a renoncé le mois dernier à trois options pour ce quadri-réacteur, qui n'a plus eu de commandes fermes depuis l'année dernière. M. Brégier a dit espérer de nouvelle commandes d'A380 "en dehors du Japon, d'ici la fin de l'année".
Selon Airbus, 17 sociétés japonaises produisent des éléments de l'A380, mais au Japon seule la compagnie à bas coût Skymark en a commandé six en 2011. Elle doit recevoir le premier en 2014.