Jean-Marc Ayrault a donné le coup d'envoi lundi de son grand chantier de remise à plat de la fiscalité, en recevant les principaux partenaires sociaux qui attendent du Premier ministre une vraie réforme face au "malaise fiscal" des Français.
"Ca ne peut pas s'arrêter là", "ça ne peut pas être un coup de com'", a dit Laurent Berger numéro un de la CFDT, au sortir de Matignon. Une référence aux critiques de l'opposition qui dénonce un "coup politique" de Jean-Marc Ayrault pour sauver sa tête à Matignon.
"Il faut une vraie mise à plat fiscale, on verra dans les semaines à venir si le gouvernement s'engage dans cette voie", a-t-il ajouté. "Il appartient au Premier ministre de prendre ses responsabilités" face à "un ras-le-bol souvent très catégoriel et dangereux".
Cette réforme fiscale à hauts risques a été annoncée à la surprise générale mardi dernier par le Premier ministre, qui fait face à une vague de mécontentement social. Il a décidé de recevoir dans la foulée l'ensemble des partenaires sociaux, puis les élus.
En fin de matinée, Jean-Marc Ayrault a jugé ces rencontres "utiles et constructives".
"Je sens un Premier ministre déterminé", a commenté Jean-Claude Mailly (FO) qui pense que le chef du gouvernement "veut effectivement lancer le dossier en mettant tout sur la table".
La numéro un de la CFE-CGC Carole Couvert a cherché aussi à "s'assurer que ce n'était pas un coup politique dans la perspective des municipales, mais bien un chantier dans la durée".
Le numéro un de la CGT Thierry Lepaon a souhaité pour sa part que le gouvernement ne s'en tienne pas "à des bilatérales" et qu'il y ait une "confrontation avec le patronat".
"Des résultats tangibles"
FO, CGT et CFDT ont défendu devant M. Ayrault le renforcement de l'impôt sur le revenu (IR), seul impôt progressif, face à la fiscalité indirecte. En revanche, le prélèvement à la source, une des pistes à l'étude, ne fait pas recette chez les syndicats.
Ils sont aussi circonspects - voire pour certains hostiles - sur une fusion IR/CSG, de crainte que cela ne menace le financement de la protection sociale.
En fin de journée, le ministre du Budget Bernard Cazeneuve a semblé mettre en sourdine cette fusion, en estimant qu'il ne fallait pas "se figer sur telle ou telle hypothèse".
J'ai cru comprendre que nous allions avoir un calendrier assez précis des discussions avant la fin de cette semaine ou le début de la semaine prochaine", a déclaré le numéro un de la CGT.
Jean-Marc Ayrault a déjà dit que les "perspectives" seraient "tracées" "à l'été 2014" et inscrites dans le budget 2015. François Hollande a prévenu que la réforme fiscale prendrait "le temps du quinquennat".
La remise à plat se fera "à prélèvements obligatoires constants", a promis le Premier ministre, qui n'entend pas revenir sur les hausses de TVA prévues au 1er janvier.
Côté patronat, Pierre Gattaz (Medef) a plaidé pour "des résultats tangibles à l'été", pour "améliorer la compétitivité des entreprises", car, a-t-il dit, "aujourd'hui, il y a urgence". "C'est de l'immédiat dont on a besoin", a renchéri Jean-Pierre Crouzet de l'UPA (Union professionnelle artisanale), en annonçant le maintien de sa campagne contre le poids des prélèvements obligatoires.
Pour ces entretiens, M. Ayrault était entouré de plusieurs ministres, dont Michel Sapin (Travail) et Bernard Cazeneuve. Pierre Moscovici (Economie), informé tardivement, comme M. Cazeneuve, d'une réforme qui le concerne pourtant, était en déplacement en Chine.
A droite, l'opposition fustige le manque de sincérité du Premier ministre, à l'instar de Xavier Bertrand (UMP) qui craint "un coup politique destiné à lui faire sortir la tête de l'eau". "Je ne cautionnerai pas un projet qui ne prévoit pas d'abord une baisse massive des impôts", a prévenu Jean-François Copé, président de l'UMP.
La réforme, pour Marine Le Pen (FN), "ne sera pas faite".
Le PCF a décidé, lui, de proposer un projet alternatif en lançant des "états généraux de la justice fiscale", estimant que l'initiative de Matignon "commence sérieusement à sentir l'embrouille".
Les entretiens se poursuivent toute la semaine.