Les ministres européens des Finances sont entrés mardi dans le vif des négociations sur le second pilier de l'union bancaire, le mécanisme chargé de régler le sort des banques en faillite dans la zone euro, en affichant leur volonté de compromis malgré la complexité du dossier.
"Je pense qu'aujourd'hui nous serons en mesure de construire les éléments d'un accord politique", a déclaré à son arrivée le ministre français des Finances, Pierre Moscovici, tout en reconnaissant que les ministres devraient peut-être se revoir le 18 décembre "pour le finaliser, en tout cas sur le plan juridique".
Son homologue espagnol Luis De Guindos a lui aussi pronostiqué un processus de décision en deux temps. "Nous approchons d'un accord final", et "au moins nous trouverons un accord politique aujourd'hui", a-t-il dit.
Mais les débats sur l'union bancaire n'ont commencé qu'en milieu d'après-midi et certains diplomates s'attendaient à ce que la réunion se prolonge très tard dans la soirée, voire dans la nuit.
Il y a tout juste un an, les ministres avaient déjà eu besoin de plusieurs réunions pour s'accorder sur le premier pilier de l'union bancaire: la supervision unique des banques de la zone euro, confiée à la Banque centrale européenne.
Cette fois, il s'agit de mettre sur pied un mécanisme de sauvetage ou de liquidation des banques en difficultés. Il faut parvenir à "un régime unique, un fonds unique et une autorité unique", a énuméré Jörg Asmussen, membre du directoire de la BCE.
Les ministres doivent se mettre d'accord d'ici la fin de l'année pour que le texte puisse être définitivement adopté avant les élections européennes de mai 2014.
Mais les points à démêler restent encore nombreux, à commencer par le mécanisme de décision. Un conseil de résolution, où seront représentés les Etats, sera chargé de décider du sort des banques. Mais pour des raisons juridiques, la décision formelle doit revenir à une institution européenne. La Commission a proposé d'endosser ce rôle, par souci d'efficacité, mais l'Allemagne s'y est longtemps opposée.
Berlin pourrait s'y résoudre, à condition que le conseil de résolution soit l'instance qui prend réellement les décisions et que la Commission ne puisse que les entériner, sans pouvoir s'y opposer.
Période de transition
Autre point délicat: le champ d'application du mécanisme. L'Allemagne veut qu'il ne concerne que les 130 plus grandes banques de la zone euro, quand la France estime que les 6.000 banques de l'union monétaire devraient être concernées. Sur ce point, Berlin semble avoir eu gain de cause.
Quant au fonds unique de résolution abondé par les banques, son existence même n'a pas toujours eu les faveurs de Berlin, opposé à toute mutualisation du risque dans la zone euro. Des réunions préparatoires ont eu lieu ces derniers jours entre ministres et responsables européens, et semblent avoir débouché sur une solution.
"A la fin d'une période de transition, nous aurons un fonds unique", a assuré mardi M. Asmussen. Il y aura "des mécanismes nationaux dans un premier temps, avec une phase transitoire", a ajouté M. Moscovici.
Mais ce fonds pourrait être "compartimenté": chaque partie serait alimentée par les banques d'un Etat et ne permettrait de renflouer que les banques de cet Etat.
La manière dont il sera financé reste à déterminer: l'Allemagne souhaite que les banques l'alimentent en fonction des risques qu'elles présentent, la France veut un régime uniforme. Une solution pourrait consister à couper la poire en deux, avec une partie égale pour tous et une partie supplémentaire en fonction du risque.
Enfin, il faut absolument mettre en place des "filets de sécurité" en attendant que le fonds unique soit opérationnel, car sa montée en puissance se fera sur plusieurs années. Dans l'intervalle, le Mécanisme européen de stabilité pourrait jouer un rôle, mais là encore, les avis divergent.
"Je sais qu'il y a beaucoup de choses compliquées à prendre en compte pour l'instant, mais nous plaidons, nous exhortons, nous supplions que soit envisagé un système simple, efficace, juste et le plus prévisible possible", a déclaré la directrice générale du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, en marge d'une intervention au Parlement européen à Bruxelles.