C'est plus que jamais l'épreuve de force entre la CGT, qui occupe l'usine Goodyear d'Amiens-Nord promise à la fermeture, et la direction de l'entreprise qui a porté plainte mercredi pour la séquestration temporaire de deux de ses cadres, sans retourner à la table de négociations.La direction de Goodyear Dunlop Tires France a porté plainte en fin d'après-midi pour "détention et séquestration" de ses deux cadres lundi et mardi sur le site du fabricant de pneumatiques, a indiqué le procureur d'Amiens, Bernard Farret.Après plus de six ans de confrontation et de très nombreuses procédures judiciaires de la part de la CGT, ultra-majoritaire à Amiens-Nord, pour faire annuler la fermeture de l'usine, annoncée le 31 janvier 2013, la direction de Goodyear attaque à son tour sur le terrain judiciaire.Goodyear a porté plainte auprès du procureur pour "détention et séquestration" et "contre tout auteur", soit "contre X", a indiqué à l'AFP M. Farret, confirmant la teneur d'un communiqué publié mercredi soir par la direction de Goodyear France.Selon la direction, "une plainte" a été déposée "à la suite de la séquestration de deux de ses cadres et de l'occupation toujours en cours de l'usine d'Amiens-Nord".La direction de Goodyear France "rappelle qu'elle ne saurait accepter la mise en œuvre d'actions mettant en danger les personnes et les biens".Le procureur d'Amiens a précisé que Goodyear avait également porté plainte pour "dégradations" et "vols".La direction de Goodyear dénonce par ailleurs l'occupation du site, selon M. Farret, qui note cependant qu'il ne s'agit pas en soi d'un qualificatif pénal."Ce qu'on a fait, je ne le regrette pas. Il n'y a pas eu de violence", a réagi auprès de l'AFP Franck Jurek, délégué syndical CGT."S'il y avait eu un problème, c'était à eux (les cadres) de porter plainte, pas à la direction qui n'a rien vu", a-t-il ajouté."On continue à garder notre usine, à garder notre dépôt de pneus en attendant une réunion de négociations", a-t-il conclu.Goodyear n'a donné mercredi aucun signe de vouloir négocier avec la CGT, qui réclame la tenue d'une réunion en vue d'obtenir de meilleures primes de licenciement pour les 1.173 salariés de l'usine.Une réunion a eu lieu dans l'après-midi entre la CGT, et la Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi), dans les locaux de cette dernière à Amiens et sur demande du syndicat, qui y a exposé la situation de l'usine. Mais la direction de Goodyear n'y a pas envoyé de représentant."Je pense que la direction de Goodyear doit vite prendre conscience qu'il faut qu'elle revienne autour de la table des négociations et je reste persuadé que cela va se faire", a déclaré le secrétaire de la CGT de l'usine Mickaël Wamen, à l'issue de cette réunion de deux heures.Jointe par l'AFP, la direction de Goodyear n'a pas souhaité s'exprimer sur le sujet d'éventuelles négociations. Nouveau référé de la CGTLundi, des salariés cégétistes d'Amiens-Nord avaient séquestré deux cadres de l'usine, le directeur de production Michel Dheilly et le directeur des ressources humaines Bernard Glesser, libérés mardi sous les huées, encadrés par la police.Les salariés comptent utiliser l'occupation de leur outil de travail et du dépôt de l'usine, bloqué depuis la mi-novembre et renfermant plus de 200.000 pneus, comme "monnaie d'échange" pour ramener Goodyear à la table des négociations, selon M. Wamen.Le syndicat entend renégocier le plan de sauvegarde de l'emploi de la direction, avec l'application d'une version "améliorée" d'un plan de départs volontaires abandonné en 2012.Mercredi, lors d'un point presse improvisé sur le parking de l'usine, Me Fiodor Rilov, avocat de la CGT de l'usine et du Comité central d'entreprise, a annoncé une nouvelle action en référé, le 15 janvier, devant le tribunal de grande instance d'Amiens.A l'occasion de cette audience, "la justice peut encore ordonner la suspension du processus de licenciements", a assuré l'avocat, alors même que la CGT tente de négocier au mieux les primes de licenciement.Viendra ensuite "une deuxième séquence (judiciaire), qu'on prépare assidûment, sur le fond de la question: est-ce que oui ou non la justification de la fermeture de cette usine existe? On pense que non, et on veut que la justice le reconnaisse", a ajouté Me Rilov.