par Julien Ponthus et Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Nouvelle fin de non recevoir allemande, désaveu du Conseil constitutionnel sur le pacte de responsabilité, tensions dans la majorité: l'horizon déjà menaçant de la rentrée s'est encore assombri pour François Hollande depuis son départ en vacances.
Le chef de l'Etat, qui dressait le 21 juillet un tableau lugubre de l'opinion devant la presse présidentielle -"beaucoup de gens n'y croient plus"- n'a guère trouvé ces jours-ci d'arguments pour redonner moral et confiance aux Français.
La censure, jeudi, par le Conseil constitutionnel de baisses de cotisations salariales pour les salariés modestes redonne des munitions à ceux qui instruisent le procès en amateurisme du gouvernement, auquel François Hollande avait espéré répondre en nommant Manuel Valls au poste de Premier ministre.
"L'amateurisme fait perdre du temps à la France", estime dans un communiqué l'ancien Premier ministre UMP François Fillon, qui dénonce "le caractère brouillon et improvisé de la politique économique gouvernementale".
Le coup est d'autant plus rude que les 2,5 milliards d'euros de réductions de cotisations annulées représentent la moitié du volet "solidarité" d'un pacte qui prévoit 41 milliards de baisses de charges sociales et d'impôts pour les entreprises.
De quoi relancer la guérilla de la CGT, de Force ouvrière et, surtout, des députés socialistes frondeurs, contre un pacte accusé de faire la part trop belle au patronat, d'autant que les négociations sur les contreparties piétinent.
Conçu pour relancer une économie française désespérément atone par une politique de l'offre, ce pacte paraît d'ores et déjà insuffisant. Au point que François Hollande a lancé lundi un appel à l'Allemagne pour qu'elle mette ses excédents au service de la croissance européenne.
"ON A QUELQUES DOUTES"
Un appel immédiatement rejeté par Berlin, qui ne juge pas nécessaire d'infléchir sa politique déjà suffisamment favorable à la croissance selon Angela Merkel.
Cette fin de non recevoir fragilise l'ambition du chef de l'Etat français de "réorienter" l'UE vers une politique plus favorable à la croissance et à l'emploi.
Il ne peut pas non plus compter sur la publication des prochaines statistiques pour atténuer un triple constat d'échec sur les fronts de l'activité, des déficits et de l'emploi, auquel Manuel Valls a préparé l'opinion.
Le ministre français des Finances, Michel Sapin, devrait être bien seul en première ligne, le 14 août, pour faire un point sur les comptes publics, après la publication par l'Insee des chiffres de croissance du deuxième trimestre.
L'agence de notation Moody's et de nombreux analystes s'attendent à ce que le gouvernement admette que ses objectifs de réduction des déficits -à 3,8% du PIB fin 2014 et 3% fin 2015- ne seront pas atteints. "On en sera même assez loin", estime Yacine Rouimi, économiste de la Société générale.
La Commission européenne espère que la France tiendra au moins son engagement de réduire ses dépenses publiques de 50 milliards d'euros sur trois ans. "Parce que déjà, là, on a quelques doutes", confie un haut fonctionnaire européen.
Faute d'atteindre ses objectifs, François Hollande tentera de convaincre ses partenaires de lui donner encore du temps, en invoquant les réformes structurelles menées par la France mais contestées par l'aile gauche de sa majorité.
Ses conseillers jugent la fronde de plusieurs dizaines de députés PS stabilisée à un niveau supportable.
QUELLE STRATÉGIE?
Mais rien n'exclut un regain de tension, notamment sur la question des seuils de 10 et 50 salariés au-delà desquels les entreprises se voient imposer des obligations supplémentaires, objet d'une future négociation entre les partenaires sociaux.
Le dernier allié du PS au sein de la majorité, le Parti radical de gauche, a pour sa part menacé de retirer ses trois ministres du gouvernement si le projet de réforme territoriale reste en l'état.
Signe de la mauvaise humeur des états-majors du PS et du PRG: les deux formations iront en ordre dispersé aux élections sénatoriales de fin septembre, lors desquelles la gauche devrait, sauf surprise, perdre sa majorité au Sénat.
Sur le front social, le gouvernement risque d'être confronté aux mouvements d'humeur des professions libérales, vent debout contre les projets du ministre de l'Economie, Arnaud Montebourg, de s'attaquer à leur monopole dans certains secteurs.
François Hollande, qui fêtera ses 60 ans le 12 août, et dont la rentrée débutera le 15 par la commémoration du Débarquement allié de 1944 en Provence, réfléchit à sa stratégie avant une grande conférence de presse en septembre.
Il peut certes miser, pour faire diversion, sur le feuilleton de l'éventuel retour de son prédécesseur UMP Nicolas Sarkozy et des divisions de l'opposition.
Mais "il faut absolument qu'il y ait une perspective qui soit donnée", estime Stéphane Rozès, président de la société Conseils, analyses et perspectives (Cap). "C'est l'absence de récit qui fait les jacqueries et les frondes."
(Avec Ingrid Melander et Blaise Robinson, édité par Yves Clarisse)