En 2014, les trois quarts de ses bijoux étaient fabriqués en Asie. Quatre ans plus tard, Mauboussin a rapatrié 98% de sa production en Europe et 70% dans l'Hexagone, dans le but de "renforcer son image d'entreprise ancrée en France", explique à l'AFP son PDG Alain Némarq.
"Parfois, j'ai besoin de faire refaire un modèle ancien de bague, dans une usine qui la fabriquait auparavant en Asie. C'est épisodique, mais ça m'empêche de dire que nous produisons 100% en Europe", souligne dans un sourire ce grand homme distingué, au premier étage de la boutique située rue de la Paix à Paris.
En 2002, lorsque Alain Némarq prend les rênes de la maison fondée en 1827, il n'hésite pas à casser les codes de la profession en faisant de Mauboussin le premier joaillier à afficher le prix de ses bijoux sur ses campagnes publicitaires et à en tapisser les couloirs du métro.
"Ce n'était pas une démarche de démocratisation, mais de féminisation: si je voulais que la femme achète elle-même ses bijoux et qu'elle perçoive qu'ils sont accessibles, il fallait que je mette le prix dessus. Parce qu'autrement, elle aurait peur de rentrer dans une boutique et peur du prix potentiel", raconte M. Némarq, 65 ans.
Fort de ses 75 millions d'euros de chiffre d'affaires l'an dernier, Mauboussin vend quelque 60.000 pièces de joaillerie - ses bagues sont proposées à partir de 395 euros pour le modèle "Capsule d'émotions" - et un peu moins de 25.000 pièces d'horlogerie par an. Il a développé un réseau de 60 magasins et "corners" en France, notamment dans des villes de taille moyenne.
Il y a quatre ans, la maison entamait un processus de relocalisation, alors que 30% de sa production était alors en Chine, 25% en Inde et 20% en Thaïlande.
- "Ca valait le coup" -
"Aujourd'hui, j'ai rapatrié 98% de la fabrication joaillière en Europe, et plus de 70% en France. C'était une volonté politique, alors que certains concurrents délocalisent. Je voulais améliorer le service, diminuer mes coûts logistiques et bénéficier d'un temps de production plus court: vous fabriquez en gros en France et en Europe en cinq semaines, quand vous fabriquez en Asie en neuf", résume le PDG.
Il explique aussi avoir voulu revenir en France "dans la perspective de relancer une ligne de haute joaillerie", ce qu'il a fait en 2017. "Je voulais par conséquent renforcer l'image de l'entreprise ancrée en France, surtout qu'on y fait 70% du chiffre d'affaires".
Certes, il a dû surmonter des "handicaps" en s'installant dans l'Hexagone, "comme le fait que les usines et ateliers sont fermés en août: dans une industrie qui réalise presque la moitié du chiffre d'affaires entre début novembre et fin décembre, l'approvisionnement en octobre et novembre est essentiel. En Asie, on passait les commandes fin août, on était livrés à temps. En France, il faut donner les commandes fin juillet", souligne Alain Némarq.
Les capacités de production sont également "moins souples et moins fluides" en France, "je suis obligé de m'appuyer sur plusieurs ateliers" à Paris, Lyon ainsi qu'en Alsace et près de Besançon, ajoute-t-il.
Mais au final, malgré une main-d'œuvre clairement plus coûteuse en France, ainsi qu'en Italie et en Espagne où il fait également produire, "ça valait le coup de relocaliser", résume le PDG qui détient 15% de la maison encore indépendante, au côté de l'homme d'affaires suisse Dominique Frémont.
Quant à l'étiquette "Made in France", il juge qu'"accessoirement c'est un +plus+, mais ce n'est pas déterminant non plus. On vous achète pour la puissance de votre création".
Pour Alain Némarq, Mauboussin "est resté un artisan, une maison de joaillerie comme avant". Il considère que "tout le monde est un concurrent potentiel", évoquant "la joaillerie-horlogerie certes, mais aussi la mode ou l'accessoire, comme Louboutin par exemple" avec ses célèbres escarpins à semelles rouges.