par Maki Shiraki, Norihiko Shirouzu et Gilles Guillaume
TOKYO/PEKIN/PARIS (Reuters) - Le conseil d'administration de Nissan (T:7201) se réunit mardi sur fond de divisions sur le choix du futur directeur général du constructeur automobile japonais en difficulté, notamment entre le président du comité des nominations et un dirigeant influent de Nissan, ont dit à Reuters des sources proches du dossier.
Les administrateurs, parmi lesquels les deux représentants de Renault (PA:RENA), principal actionnaire de Nissan, discuteront aussi de l'avenir de Hari Nada. Ce dirigeant, qui a contribué à la disgrâce de Carlos Ghosn, a été depuis rattrapé à son tour par des accusations selon lesquelles il aurait lui aussi touché des sommes indues, ont dit plusieurs sources.
Si le conseil de Nissan propose de l'écarter, les représentants de Renault voteront probablement en faveur de cette proposition, a indiqué une source proche du groupe au losange.
Renault et Nissan ont tous deux refusé de commenter ces informations. Hari Nada n'a pour sa part pas répondu aux demandes de commentaire.
Les dissonances au coeur même de Nissan sur le choix du nouveau directeur général du deuxième groupe automobile japonais illustrent à quel point les turbulences provoquées par la chute de Carlos Ghosn, l'homme fort de l'alliance Renault-Nissan et président de Nissan, fin 2018, puis de son bras droit Hiroto Saikawa, le mois dernier, restent palpables. Et ce alors que les relations entre Renault et Nissan sont elles aussi fragiles.
Depuis le départ d'Hiroto Saikawa, des tensions ont émergé entre Masakazu Toyoda, diplômé de l'Université américaine de Princeton, ancien officiel du ministère japonais du Commerce et aujourd'hui administrateur indépendant à la tête du comité des nominations, et Hitoshi Kawaguchi, dirigeant en charge des Affaires externes chez Nissan et considéré comme ayant des relations étroites avec le gouvernement, ont dit quatre sources proches du dossier.
"Les relations sont tendues", a dit une des sources. Elle ajoute que Masakazu Toyoda et un autre administrateur indépendant, Motoo Nagai, étaient opposés à la démission brutale de Hiroto Saikawa en septembre car le conseil d'administration ne lui avait pas encore trouvé de successeur.
L'ETAT FRANÇAIS VEUT QUELQU'UN "PRO-ALLIANCE"
Le camp de Toyoda estime que Hitoshi Kawaguchi a joué un rôle dans l'orchestration du départ d'Hiroto Saikawa, a ajouté la source.
Selon elle, Hitoshi Kawaguchi est considéré comme favorable au choix de Yasuhiro Yamauchi, directeur général en exercice de Nissan, pour diriger le groupe de manière plus pérenne, tandis que Masakazu Toyoda est moins enthousiaste à cette idée.
Le comité des nominations doit se réunir mardi au siège de Nissan à Yokohama, une heure et demi environ avant la réunion du conseil d'administration dans son entier.
Le New York Times a rapporté dimanche que Hari Nada avait touché en 2017 environ 280.000 dollars de sommes indues, citant un cabinet juridique externe recruté par le constructeur.
Selon le Wall Street Journal, certains avocats de Nissan arguent que Hari Nada - qui supervise le département juridique du groupe et qui a travaillé étroitement par le passé avec Carlos Ghosn sur des sujets sensibles - aurait dû faire davantage pour éviter le risque de conflit d'intérêts.
La course à la tête de Nissan s'est resserrée d'un cran autour de trois vétérans de Renault-Nissan, auditionnés par le président de Renault mardi dernier à la veille du 4e conseil opérationnel de l'alliance au Technocentre, à l'ouest de Paris.
Le choix du nouveau directeur général de Nissan est stratégique pour le partenariat franco-japonais qui a fêté cette année ses 20 ans, mais que la chute du fondateur Carlos Ghosn a fortement ébranlé.
Le futur patron de Nissan optera, soit pour un approfondissement de l'alliance franco-nippone, soit pour une plus grande indépendance de la partie japonaise de l'édifice, un sujet toujours très sensible entre Paris et Tokyo.
"Là, ce qui nous importe, c'est que le futur dirigeant de Nissan soit bien un pro-alliance", a déclaré Martin Vial, commissaire aux Participations de l'Etat, lors d'une conférence de presse jeudi dernier. "Je n'ai aucune opinion sur le profil des uns ou des autres."
L'Etat français est le principal actionnaire de Renault avec 15,01% du capital.
Selon trois sources proches du dossier, Nissan aimerait choisir son nouveau directeur général d'ici le coup d'envoi du 46e salon de l'automobile de Tokyo, qui ouvre ses portes à la presse mercredi 23 octobre.
(Avec Dave Dolan à Tokyo et Gwénaëlle Barzic à Paris, édité par Jean-Stéphane Brosse)