Le gouvernement a encaissé vendredi une mauvaise nouvelle avec le dérapage dès 2012 du déficit public, alors que la France a déjà reconnu qu'elle ne tiendrait pas ses objectifs budgétaires cette année et multiplie les gages de rigueur à l'égard de Bruxelles.
Le déficit public a été ramené de 5,3% en 2011 à 4,8% du produit intérieur brut (PIB) en 2012, un résultat moins bon qu'escompté par le gouvernement (4,5%), a annoncé vendredi l'Insee dans sa première évaluation.
La dette, elle a battu un nouveau record, à 1.833,8 milliards d'euros, soit 90,2% du PIB contre 89,9% prévus.
Ce mauvais résultat, au lendemain de l'intervention télévisée du président Hollande, complique encore la tâche du gouvernement.
Ce dernier a déjà abandonné il y a un mois l'espoir de réduire les déficits à 3% du PIB dès cette année et il négocie actuellement un délai avec la Commission européenne. Bruxelles réclame en échange que le déficit public s'établisse "nettement en dessous de 3%" en 2014.
"En 2013 on sera très loin des 3% et ça va être très difficile de les atteindre même en 2014, sauf à poursuivre dans une austérité marquée, qui du coup repousserait encore la reprise", prévient Mathieu Plane, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
"Nous sommes sur la bonne voie, on est en train de réduire les déficits", a réagi le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, convaincu que, sans les "mesures correctrices" prises l'été dernier par le nouveau gouvernement socialiste, ils "auraient été supérieurs à 5,5%".
"Le résultat obtenu est un résultat qui, loin d'être dégradant, dénote une gestion maîtrisée des dépenses publiques", a-t-il déclaré à l'AFP. Il a fait valoir que le déficit structurel (ndlr, corrigé des effets de la conjoncture), "s'est amélioré de 1,2 point de PIB en 2012, ce qui est exactement l'engagement que nous avions pris".
Il a souligné que le dérapage était dû en partie à la recapitalisation par les Etats de la banque franco-belge Dexia en décembre, mais aussi à la réévaluation du déficit de 2011 (5,3% au lieu de 5,2%) et à la croissance nulle.
Mais les dépenses ont également légèrement échappé à la maîtrise des pouvoirs publics, passant de 55,9% du PIB en 2011 à 56,6% en 2012, soit plus que prévu. En volume (en plus de l'inflation), elles ont progressé de 0,7% au lieu de 0,5% escompté.
"Il y a en effet un petit dérapage des dépenses", reconnaît une source gouvernementale, "qui est dû pour moitié à la croissance zéro et pour moitié à un dynamisme plus important que prévu de l'investissement des collectivités locales". En revanche, a assuré cette source à l'AFP, "côté Etat et Sécurité sociale, les dépenses sont tenues" avec même une bonne surprise pour l'assurance maladie.
Le taux des prélèvements obligatoires est lui conforme aux prévisions, à 44,9% du PIB en 2012 après 43,7% l'année précédente, "sous l'effet de la hausse des impôts" (+5,3%), a précisé l'Insee.
L'impact de la stagnation économique a fortement pesé. "Là, on entre dans le dur", estime M. Plane. "Au début, on a coupé dans les dépenses inutiles, mais plus ça va, plus on doit tailler dans la protection sociale ou l'investissement public, avec un impact plus fort sur la croissance", observe-t-il.
Jeudi soir, François Hollande a tranché plusieurs chantiers emblématiques en cours de réflexion en allant dans le sens d'une plus grande rigueur: allongement de la durée de cotisation à la retraite et réduction des allocations familiales pour les ménages les plus aisés.
Autant de gages adressés à Bruxelles alors que la France précisera ses nouveaux engagements budgétaires d'ici la mi-avril.
Certains économistes critiquent l'effet de l'austérité sur la croissance donc l'emploi. D'autres au contraire réclament encore plus d'efforts et de rigueur.
"Il va y avoir nécessairement des politiques sur les salaires et les retraites des fonctionnaires", estime l'économiste Jean-Paul Betbèze. Pour lui, la baisse des dépenses programmée par l'Etat pour 2014, 1,5 milliard en valeur absolue hors dette et pensions, "n'est pas suffisante". D'autant plus, dit-il, si "les dépenses des collectivités montent à proportion de ce qui est économisé par l'Etat".