Le projet IDSE, visant à approvisionner l'île de Sein uniquement avec des énergies renouvelables, conteste le monopole d'EDF (PARIS:EDF) et entend s'inspirer de l'exemple d'habitants d'une commune allemande qui ont racheté en 1997 le réseau local pour produire eux-mêmes de l'énergie 100% verte.
"Nous souhaitons rendre l'île de Sein totalement autonome en énergie d'ici dix ans", explique à l'AFP Patrick Saultier, à la tête du projet Ile de Sein Energies (IDSE), créé en 2013 par une soixantaine de personnes, dont quarante Sénans sur les 120 résidant à l'année sur l'île.
"Pour cela, nous devons récupérer la maîtrise du réseau de distribution actuellement géré par EDF, comme l'a fait l'entreprise locale de Schönau EWS", poursuit-il.
Schönau est une petite commune de la Forêt-Noire allemande, à l'origine de la création du premier fournisseur de courant écologique citoyen du pays il y a près de trente ans.
C'est au lendemain de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, en 1986, que le projet naît, les habitants s'inquiétant des retombées radioactives de l'accident.
Près de trente ans plus tard, 95% des 2.500 habitants de la petite commune se fournissent en électricité propre auprès des Usines électriques de Schönau (EWS), fondées par un groupe de citoyens en 1997 après le rachat du réseau au fournisseur local, dont le contrat arrivait à échéance.
Sur l'île de Sein, petit confetti posé à fleur d'eau au large du Finistère, certains habitants, particulièrement sensibles au changement climatique en cause dans la montée du niveau des océans, rêvent eux d'une île verte.
L'électricité qui y est consommée est produite via des groupes électrogènes diesel qui consomment chaque année quelque 420.000 litres de fioul, un coût pour le contribuable, selon IDSE, de plus de 450.000 euros.
"Il y a sur l'île suffisamment de vent, de soleil et de potentiel d'économie d'énergie pour couvrir l'ensemble des besoins de ses habitants", souligne Patrick Saultier, à l'origine, à Plélan-le-Grand, près de Rennes, d'un des premiers parcs éoliens citoyens en France.
- Des habitants divisés -
Mais le projet divise les habitants de l'île, entre les pros et les antis, dont le maire Dominique Salvert, qui préfère travailler avec EDF, à qui la loi a confié l'exclusivité du service public de l'électricité sur les îles non raccordées au réseau électrique continental, de la production à la fourniture.
"Pour prendre la maîtrise de l’énergie sur une île comme l'île de Sein, il faut des gens qui soient techniquement et financièrement reconnus, actuellement ce n'est pas le cas de la société IDSE", se justifie M. Salvert.
L'électricien planche sur un projet visant à installer une ou deux éoliennes sur l'île afin de couvrir de 40 à 50% des besoins en électricité. Mais pas davantage, car la réglementation sur les territoires insulaires limite à 30%, selon EDF, la puissance d'énergie dite intermittente (éolien, photovoltaïque...), en raison d'un risque de coupure. D'où la nécessité, selon l'électricien, de prévoir des installations de stockage lorsque la production dépassera ce seuil.
"On nous avait aussi dit que ce n'était pas possible, qu'on mettrait Schönau dans le noir. Et pourtant, depuis le 1er juillet 1997, nous exploitons nous-mêmes notre réseau électrique et il n'y a pas eu le moindre problème," réagit Alexander Sladek, directeur d'EWS dans un communiqué commun annonçant son soutien au projet IDSE.
EWS, société participative réunissant 4.500 citoyens et au chiffre d'affaires de 170 millions d'euros, fournit désormais de l'électricité propre à 160.000 clients en Allemagne.
En débat entre le Sénat et l'Assemblée, la loi sur la transition énergétique pourrait faciliter les projets citoyens décentralisés, en particulier sur les îles non raccordées au réseau électrique.
Cependant, une disposition introduite au Sénat et qui visait à permettre aux collectivités des zones non interconnectées de moins de 2.000 clients de mettre en concurrence les opérateurs a été supprimée à l'Assemblée "sous la pression d'EDF", selon IDSE.