En déclinant une ambition de "souveraineté alimentaire" pour l'Europe, Emmanuel Macron doit inaugurer samedi matin à Paris le salon d'une agriculture française écartelée entre les demandes d'amélioration environnementale et la volonté de maintenir son rang face à la concurrence européenne.
Plutôt que les maux du monde rural qu'il juge avoir abordés dans ses grands débats, le chef de l'Etat centrera son discours sur sa vision européenne de l'agriculture, alors que les négociations pour élaborer la future politique agricole commune (PAC) viennent de commencer et que le scrutin des européennes se rapproche.
"Le président va lancer un appel à la mobilisation pour la PAC et pour une unité européenne. Face aux grandes puissances comme la Russie, la Chine et les Etats-Unis qui font de leur agriculture un enjeu stratégique, les Européens doivent parvenir à être partenaires et non concurrents", a expliqué l'Elysée.
Il devrait rappeler sa vision: que l'Europe retrouve sa souveraineté alimentaire, y compris l'autonomie de ses approvisionnements en alimentation animale, dépendante à 70% de soja importé, et que la PAC protège agriculteurs et consommateurs, a expliqué l'entourage du président.
Si les agriculteurs français attendent beaucoup de la PAC, ils ont aussi des demandes immédiates: vendre leurs produits à des prix qui leur permettent de vivre, investir pour avoir des exploitations plus écolo, et ne plus être sans cesse critiqués, ce qu'ils nomment l'"agri-bashing".
"Nous allons bannir ce mot et faire de l'agri-acting", a indiqué la présidente de la FNSEA Christiane Lambert lors d'une conférence de presse cette semaine.
Le salon c'est l'occasion "d'expliquer que l'agriculture, c'est beau, c'est bon, que l'alimentation française c'est la meilleure du monde et que les agriculteurs font des produits de qualité. il faut positiver, c'est la positive agriculture", a pour sa part déclaré le ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume, à la presse vendredi.
- Détresse morale -
Il déplore cependant "qu'il y ait encore un agriculteur qui se suicide tous les deux jours".
Un drame de la ruralité qui a motivé Patrick Maurin, élu local de Marmande (Lot-et-Garonne) à prendre son bâton de pélerin, et à marcher 250 km du Touquet, villégiature des Macron, jusqu'à Paris, où il est arrivé vendredi. Son souhait: remettre samedi au chef de l'Etat un cahier de "doléances" disant la détresse morale du monde agricole.
Pour lutter contre cette situation "insupportable", estime M. Guillaume, "il faut de meilleures conditions de travail, il faut surtout de meilleurs revenus, et il faut arrêter de montrer du doigt, de prendre les paysans pour des boucs émissaires, ils n'en sont pas". Le ministre compte sur la loi Alimentation récemment votée pour rééquilibrer les revenus des paysans.
Si 85% des Français ont une bonne opinion des agriculteurs, selon un sondage Odoxa-Dentsu Consulting pour France Info et le Figaro, l'agriculture a du mal à faire rêver les jeunes et les demandeurs d'emploi, alors que la profession manque de bras.
Un problème majeur, qui pose la question de la pérennité même de l'agriculture française: "un tiers des professionnels" cesseront leur activité d'ici 2022, selon Xavier Heinzlé, des Jeunes agriculteurs.
La tension ne sera peut-être pas que dans les têtes des agriculteurs, mais viendra aussi de l'extérieur: alors que les gilets jaunes vivront samedi l'acte 15 de leur mouvement, certains de leurs leaders se tâtaient cette semaine, pour s'inviter dans la plus grande ferme de France et tenter d'interpeller le chef de l'Etat.
Selon les organisateurs, le même dispositif de sécurité que d'habitude est prévu, adaptable en cas d'éventuelle irruption de "gilets jaunes".
Le salon, qui dure neuf jours, attend entre 650.000 et 700.000 visiteurs.