Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, souhaite redonner au secteur minier son prestige de "la grande époque" avec la création d'une compagnie publique qui doit assurer "l'indépendance" de la France dans l'approvisionnement en matières premières.
"La grande époque est de retour. Le renouveau minier en France est en route", s'est exclamé vendredi le ministre, à l'occasion d'une visite des carrières souterraines de gypse de Montmorency, dans le Val-d'Oise (95), exploitées conjointement par le groupe français Saint-Gobain et la société belge Siniat.
M. Montebourg a choisi les longs couloirs de ces mines, situées en région parisienne, pour lancer une idée souvent évoquée depuis son arrivée à la tête du ministère du Redressement: créer une compagnie minière publique afin de permettre à la France de se repositionner sur un secteur crucial pour son industrie.
Une initiative qui s'inscrit en droite ligne du colbertisme, que le ministre ne de cesse de revendiquer pour défendre la cause de l'interventionnisme de l'Etat dans la sphère économique, et qu'il a pris soin d'annoncer sur un site de Saint-Gobain, société fondée il y a pratiquement 350 ans par... Jean-Baptiste Colbert.
"Nous souhaitons assurer à notre pays un approvisionnement en matières premières qui assure son indépendance, la maîtrise de ses prix et des quantités, ainsi que sa souveraineté", a expliqué M. Montebourg.
La Compagnie nationale des mines de France (CMF), qui verra le jour dans les prochains mois, sera dotée d'une enveloppe de "200 à 400 millions euros dans les cinq à sept ans", a précisé le ministre.
"Nous avons décidé avec le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM, organisme rattaché au gouvernement, NDLR) et l'Agence de participation de l'Etat (APE) de créer cette compagnie nationale qui va constituer une maison mère", en se basant sur le savoir-faire français dans le secteur.
Le BRGM et l'APE seront coactionnaires de cette société qui se consacrera essentiellement à l'exploration publique minière, ont indiqué à l'AFP des sources au ministère du Redressement productif.
"L'exploration est le métier du BRGM, dont l'expérience est considérable et reconnue", a déclaré Vincent Laflèche, son président, qui a précisé que son établissement réalise un chiffre d'affaires de 100 millions d'euros, dont 10% à l'étranger avec notamment des activités de cartographie du sous-sol, qui permettent de repérer des gisements potentiels de minerais et autres ressources.
L'exploitation minière, qui demande des investissements beaucoup plus considérables, se fera via des "prises de participation dans des sociétés" actives dans ce secteur, ont ajouté les sources du ministère.
La CMF aura pour mission de faire de la prospection dans les sous-sols français, y compris les territoires d'outre-mer. "Notre première décision concernera d'ailleurs la Guyane. Je m'y rendrai dans les mois qui viennent pour discuter avec les élus (...) de l'exploitation de l'or", a indiqué M. Montebourg.
Sa création intervient d'ailleurs en plein projet de refonte du code minier, ensemble de textes régissant notamment l'attribution des permis de recherche et d'exploitation des gisements, une réforme portée par M. Montebourg, qui doit également contribuer à relancer les activités minières dans l'Hexagone.
Mais la nouvelle société pourrait également apporter sa contribution à la "diplomatie économique" prônée par le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius. Selon M. Montebourg, son collègue du Quai d'Orsay lui aurait fait part de l'intérêt de pays africains pour une collaboration avec une société minière française.
"Il nous semble normal que les gouvernements qui sont souvent exclus de l'exploitation des mines dans leur propre territoire puissent être associés à une compagnie minière française", a expliqué M. Montebourg.
"Il faut nous mettre d'accord avec ces gouvernements sur la répartition des revenus et que nous associons d'autres opérateurs, peut-être miniers ou peut-être pas", a-t-il ajouté.
L'annonce de la création de la CMF a toutefois coïncidé avec celle des lourdes pertes annuelles (370 millions d'euros) du principal groupe minier français Eramet, qui subit de plein fouet les conséquences de la chute du prix du nickel, soit l'équivalent de l'enveloppe dont disposera la compagnie française.
Interrogé sur un éventuel rapprochement, le cabinet de M. Montebourg n'a pas exclu des partenariats avec Eramet, mais aussi avec le géant public du nucléaire Areva, producteur majeur d'uranium.