Les Iraniens ont repris espoir d'une levée rapide des sanctions internationales qui étranglent leur économie grâce à l'amélioration apparente des relations entre Téhéran et Washington après le séjour du président Hassan Rohani à New York.
Le pays est soumis depuis 2006 à des sanctions de l'ONU en réponse à la reprise de son programme nucléaire controversé. Ce régime a été renforcé en 2012 par un embargo pétrolier et financier des Etats-Unis et de l'Union européenne, qui ont isolé l'Iran du marché mondial alors que le pays est assis sur les quatrièmes réserves de pétrole et deuxièmes de gaz.
Environ 3,5 millions de personnes sont au chômage, soit 11,2% de la population officiellement. Ce chiffre pourrait augmenter jusqu'à 8,5 millions, avait prévenu en août le ministre de l'Economie Ali Tayyebnia.
En septembre, le taux annuel d'inflation atteignait 39%, et les prix à la consommation ont plus que doublé, selon des statistiques officielles. Même les produits de base (riz, huile, poulet) restent trop chers pour de nombreux Iraniens, alors que le salaire minimum mensuel est de 6 millions de rials.
Seule note optimiste, le dollar, qui cotait 38.000 rials sur le marché libre il y a quelques mois, s'est stabilisé à 30.000 rials en septembre.
Pour les Iraniens, la conversation téléphonique historique de M. Rohani avec le président américain Barack Obama, à la fin de sa visite à l'ONU, est un réel signe d'espoir.
A New York, le président modéré a affirmé que Téhéran voulait "fournir l'assurance" que le programme nucléaire iranien est pacifique. Les Occidentaux, eux, attendent des "faits" avant toute levée des sanctions.
Les deux présidents, dont les pays n'ont plus de relations diplomatiques depuis 1980, "auraient dû se parler plus tôt car tout le monde est touché par la situation économique", affirme pour sa part Morteza, un chauffeur de taxi. Certaines pièces détachées sont en effet introuvables en raison de l'embargo décrété cet été sur l'industrie automobile iranienne.
"Nous sommes optimistes mais la situation est très grave", relève Mehdi Miremadi, président de la chambre de commerce franco-iranienne. "Si certaines sanctions ne sont pas levées d'ici six mois, en priorité les sanctions bancaires, la moitié des entreprises important encore des matières premières depuis l'Europe fermeront", affirme-t-il à l'AFP.
Pour survivre, les sociétés iraniennes ont trouvé des filières indirectes mais "les commandes sont payées au taux du dollar sur le marché libre, plus 25%", explique-t-il.
"Une attente énorme"
Un observateur économique européen, présent de longue date en Iran, en convient: "la pression vient clairement de l'économie, à cause du chômage, de l'inflation, de la baisse importante de la production", explique-t-il.
"Les entrepreneurs de mon pays étaient optimistes" après l'élection de Hassan Rohani le 14 juin et la tendance s'est accélérée après l'été, dit ce spécialiste de relations entre les entreprises. "J'ai organisé une réunion régionale avec une quinzaine de petites entreprises, raconte-t-il, mais "plus de cinquante se sont présentées. Il y a une attente énorme".
Et depuis le séjour américain du président, "les grandes entreprises se préparent à changer de tactique le plus tôt possible. Elles attendent juste un signe de Washington pour répondre à des appels d'offre".
Le géant pétrolier français Total a d'ailleurs annoncé mardi qu'il reviendrait en Iran dès que l'embargo pétrolier était levé.
"Aujourd'hui, il y a un embargo. Cet embargo est valide pour tout le monde et nous attendrons qu'il soit levé", a souligné son PDG Christophe de Margerie, espérant que ce sera le cas "le plus tôt possible".
La priorité reste la normalisation des relations étrangères car, selon le spécialiste européen, "l'Iran ne peut pas remettre seul son économie en marche".
Selon lui, il reste moins d'un an au gouvernement Rohani pour faire repartir l'économie. S'il échoue, les forces "opposées à l'ouverture diplomatique reprendront l'offensive".
"Pour l'instant, les Gardiens de la révolution et les Fondations islamiques, qui brassent des milliards de dollars et ont le pouvoir économique, laissent faire Rohani, affirme-t-il. Et s'il réussit, ils pourraient très bien le soutenir ouvertement car en affaires, les Iraniens sont des opportunistes".