Fort de résultats record pour 2012, le géant européen de l'aéronautique et la défense EADS a proclamé jeudi son indépendance vis-à-vis des gouvernements qui l'ont créé en 2000.
"Nous devons prendre nos décisions dans l'intérêt de la société, sans interférence extérieure", a déclaré le président exécutif du groupe Louis Gallois, repoussant d'un ton inhabituellement ferme des demandes de l'Allemagne, "inappropriées" envers une société cotée en Bourse.
Près de 50% du capital d'EADS est flottant. Ses premiers actionnaires sont des investisseurs américains, viennent ensuite les Français devant les Britanniques, a relevé M. Gallois, soulignant qu'un groupe devait satisfaire ses actionnaires.
Le groupe, qui tient depuis des années la dragée haute au géant américain Boeing, a été créé en 2000 en fusionnant des actifs industriels français, allemands et espagnols. L'Etat français détient une participation de 15% et l'Allemagne se prépare à acquérir 7,5%, via la banque publique KfW.
M. Gallois pouvait parler d'autant plus fort qu'EADS ne s'est jamais aussi bien porté.
Son bénéfice a fait un bond de 87%, à 1,03 milliard d'euros, son chiffre d'affaires a progressé de 6% pour atteindre 49,1 milliards d'euros. "Et ce n'est qu'un début", a lancé le président exécutif pour sa dernière présentation de résultats.
Pour 2012, le groupe qui compte désormais 133.115 employés dans le monde, table sur une nouvelle augmentation de 6% du chiffre d'affaires.
Le titre s'est envolé jeudi à la Bourse de Paris après l'annonce de ces résultats, prenant 10,78% à 29,74 euros à la fermeture dans un marché en hausse de 2,54%.
Les résultats ont été tirés par la performance d'Airbus qui répond à une demande continue, avec un traffic aérien qui ne cesse d'augmenter. L'avionneur a livré 534 avions commerciaux en 2011, prévoit d'en livrer 570 cette année, et compte encore sur des commandes supérieures aux livraisons.
Seule ombre au tableau : la taxe carbone imposée par l'Union européenne et rejetée par le reste du monde menace les ventes d'Airbus. Par mesure de rétorsion, la Chine a bloqué 45 commandes d'Airbus passées par ses compagnies aériennes, a revélé Louis Gallois, demandant à l'UE de renoncer à cette législation.
Revenant sur les pressions des gouvernements pour obtenir des sociétés créations d'emplois et implantations de sites, M. Gallois a souligné qu'elles s'exerçaient "dans tous les pays" et n'étaient pas près de disparaître.
Mais il a rejeté fermement les demandes de Berlin. Le coordinateur du gouvernement allemand pour l'aéronautique Peter Hintze avait écrit le mois dernier à EADS pour lui demander de rééquilibrer l'activité industrielle et les postes de direction au profit de l'Allemagne.
"Cette lettre n'est pas appropriée et ne correspond pas à la façon dont les sociétés cotées en Bourse sont gérées", a répondu le patron d'EADS.
Mais il a souligné que le groupe voulait se comporter en bon citoyen dans les pays où il produit et conduire "un dialogue serein avec les autorités allemandes".
Du reste, "sans faire des comptes d'apothicaire, EADS maintient l'équilibre entre la France et l'Allemagne" en termes de sites et d'emploi, a-t-il souligné.
M. Gallois a également cherché à remettre en perspective la décision de son successeur désigné Tom Enders, de concentrer à Toulouse les fonctions de direction encore dispersée à Paris et Munich, qui a suscité l'émoi en Allemagne.
Il ne s'agit pas de piloter un groupe international de façon centralisée depuis Toulouse, a-t-il assuré. "Je prends l'avion quatre jours par semaine... il est possible que Tom Enders ait son bureau dans un avion".