par Elizabeth Pineau
PARIS (Reuters) - L'ancien Premier ministre Manuel Valls a fait mardi ses adieux à la vie politique française en exprimant sa reconnaissance à la France, son pays d'adoption, une semaine après avoir annoncé sa candidature aux élections municipales à Barcelone.
Le député démissionnaire de l'Essonne, figure familière du paysage français depuis des décennies, s'est exprimé dans l'hémicycle, où la plupart de ses collègues l'ont applaudi, à l'exception notable des communistes et des élus de La France insoumise, qui ont brandi des pancartes "Bon débarras".
"Je veux exprimer ma reconnaissance : d'abord à mon pays, à la France, pays unique qui donne la possibilité à quelqu'un qui naît à l'étranger, qui a été fait Français à 20 ans d'avoir un parcours politique, d'être maire, député, ministre, Premier ministre", a dit Manuel Valls.
"Ce que l'Assemblée perd, l'Europe le gagne", a souligné en lui donnant la parole le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand.
Manuel Valls a abandonné l'ensemble de ses mandats français, comme député de l'Essonne mais aussi à la mairie d'Evry, pour briguer la mairie de Barcelone en mai prochain.
Né dans la deuxième ville d'Espagne il y a 56 ans d'un père catalan et d'une mère suisse, il a fait jusqu'ici toute sa carrière politique en France, dirigeant le ministère de l'Intérieur puis le gouvernement sous François Hollande avant de briguer la présidence de la République via des primaires début 2017. Après sa défaite au scrutin interne de la gauche, il a quitté le PS pour se rapprocher de La République en marche.
NI TRAHISON NI ABANDON
"Je me suis toujours senti profondément Français et en même temps, parlant catalan chez moi, 100% Barcelonais, sans rien renier de ce que j'étais, aimant ce pays", a-t-il expliqué mardi matin sur France Inter.
En réponse à ses détracteurs, Manuel Valls s'est défendu d'abandonner son pays ou ses électeurs de l'Essonne. "Je n'ai pas l'impression, non seulement de trahir, mais d'abandonner quelque chose. Barcelone c'est le même chemin, (...) c'est l'Europe", a dit celui qui a été maire d'Evry de 2001 à 2012.
"C'est un choix de vie. Quoi qu'il arrive, je reste à Barcelone", a-t-il ajouté à propos de l'éventualité d'une défaite aux municipales dans la capitale catalane, où il défend, face aux autonomistes, l'idée d'une Espagne unie.
Classé à l'aile droite du PS, une position qui lui a valu l'inimitié d'une partie de son camp, Manuel Valls s'est félicité d'avoir fait "évoluer la gauche dans des choix difficiles" sur des thèmes comme la sécurité et la laïcité.
Evoquant sa personnalité clivante, parfois cassante, l'ancien Premier ministre a regretté d'avoir parfois "mélangé autorité et autoritarisme".
"Le pouvoir enferme, le pouvoir vous rend déjà plus dur", a-t-il ajouté, rappelant que son séjour à Matignon à partir de 2014 avait coïncidé avec une période marquée par une série d'attentats très meurtriers en France.
Un épisode rappelé à l'Assemblée nationale par le Premier ministre, Edouard Philippe.
"Vous avez, à des moments où la France était menacée, eu des mots qui étaient justes et exprimé une position qui était solide. De cela, je veux dire, M. le député, la France sera toujours reconnaissante", a-t-il déclaré.
Dans les couloirs de l'Assemblée, les détracteurs de Manuel Valls ont repris la parole. "C'est un homme très sectaire", a dit la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, appelant les Barcelonais à ne pas "se laisser avoir par son côté doucereux car ils risquent de tomber de haut."
"Il n'est pas mort que je sache. Il n'y avait pas de raison de présenter son oraison funèbre qui n'en finissait plus", a dit le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, pariant sur une défaite de Manuel Valls en Catalogne.
Des élections législatives devraient être organisées dans les trois mois dans la première circonscription de l'Essonne, où les Insoumis espèrent prendre leur revanche après avoir été battus de justesse au printemps 2017.
(Edité par Yves Clarisse)