Le formidable marché des chemins de fer russes, qui doivent être remis à neuf à coups de milliards de dollars, fait saliver les constructeurs ferroviaires occidentaux, dont le français Alstom qui s'est trouvé un allié dans la place.
Même s'ils ont beaucoup perdu en importance depuis la disparition de l'URSS, les chemins de fer restent un secteur clef de l'économie russe, que les autorités ont enfin décidé de rénover de fond en comble.
Les chiffres sont impressionnants: RZD, la puissante société publique des chemins de fer au million d'employés, prévoit d'investir quelque 400 milliards de dollars d'ici 2030 dans la construction de lignes nouvelles et le renouvellement de son matériel roulant.
Le programme va du remplacement de toutes les locomotives à l'achat de wagons de marchandises et à la modernisation des lignes destinées aux passagers, où il s'agit d'aller plus vite. Car si les trains russes sont extrêmement ponctuels, ils sont plutôt lents: 70 km/h en moyenne, ce qui est bien peu pour un pays aussi vaste!
Parmi les prétendants occidentaux, Siemens a pris une longueur d'avance en vendant un train rapide qui relie désormais Moscou à Saint-Pétersbourg en 3 heures 45, avec des pointes à 250 km/h.
Le groupe allemand doit aussi fournir des trains régionaux --qui circuleront notamment à Sotchi (sud) pour les jeux Olympiques d'hiver de 2014--, et a conclu un accord avec RZD pour créer un centre d'ingénierie commun destiné au développement de nouveaux matériels.
Quant au canadien Bombardier, il est lui aussi en termes avec RZD, puisqu'il a signé lundi l'acquisition de près de 50% du fabricant russe d’équipement de signalisation Elteza, une de ses filiales.
C'est pourtant avec le français Alstom que flirtait la veille Vladimir Iakounine, le président de RZD: il a inauguré dimanche un nouveau train rapide reliant Saint-Pétersbourg à Helsinki, un modèle pendulaire --qui s'incline dans les virages pour aller plus vite-- dont les dirigeants d'Alstom veulent faire "une vitrine" pour la Russie.
Les mêmes devraient se retrouver dans quelques jours --ou semaines-- pour finaliser un accord passé en mars 2009, qui prévoit l'entrée d'Alstom à hauteur de 25% plus une action au capital de Transmashholding (TMH), le numéro un russe de la construction ferroviaire (et numéro 6 mondial, Alstom étant numéro 2 derrière Bombardier)... dont RZD détient aussi 25% plus une action.
Mais avant même cette signature qui tarde à venir, Alstom et TMH ont commencé à travailler ensemble: les deux partenaires ont déjà vendu des centaines de locomotives électriques en Russie et au Kazakhstan.
Ils vont maintenant s'attaquer au marché des tramways, très délaissés en Russie depuis la fin de l'URSS (quand ils n'ont pas disparu): Alstom compte produire une version locale du Citadis, son tram vedette, dans une usine de TMH à Saint-Pétersbourg. Avec des chances de contrats, selon ses dirigeants.
Les groupes occidentaux ont en tête le marché des trains à grande vitesse, que la Russie veut faire rouler à 350 km/h (ou plus) dans quelques années.
En accueillant le train pendulaire venu d'Helsinki, dimanche, le Premier ministre russe Vladimir Poutine a d'ailleurs dit qu'il envisageait "un programme de construction de TGV pour desservir les villes qui abriteront le Mondial" de football en 2018.
L'appel d'offres du projet de liaison TGV entre Moscou et Saint-Pétersbourg en moins de trois heures devrait être lancé au printemps, prédit-on chez Alstom, où le directeur régional Bernard Gonnet a annoncé que le groupe sera candidat au sein d'un consortium français.
"La balle n'est pas chez nous. Quand on nous enverra la balle, on va la saisir", a lancé le PDG d'Alstom, Patrick Kron.