par Georgina Prodhan et Ludwig Burger
FRANCFORT (Reuters) - Bayer a annoncé jeudi son intention d'introduire en Bourse ses activités de plastiques, les moins rentables de son portefeuille, une opération dont le montant pourrait atteindre 10 milliards d'euros et qui permettra au groupe allemand d'accentuer son recentrage sur la santé, humaine et animale, et la protection des cultures agricoles.
L'annonce de la prochaine scission de Bayer MaterialScience (BMS) a permis à l'action Bayer d'inscrire un nouveau record à la Bourse de Francfort. Elle s'inscrit dans un contexte plus large de sortie des grands acteurs du marché de la santé des activités les moins rentables.
"De cette manière, Bayer se positionne comme un leader mondial dans le domaine de la santé humaine, animale et végétale", a expliqué le groupe dans un communiqué.
Son conseil de surveillance a approuvé la décision dans la matinée, ouvrant la voie à l'introduction en Bourse, qui devrait avoir lieu dans un délai de 12 à 18 mois.
Le président du directoire Marijn Dekkers a toutefois expliqué qu'il étudierait d'éventuelles offres de rachat de BMS et que la question d'une possible augmentation de capital à l'occasion de l'entrée en Bourse serait tranchée ultérieurement.
Bayer a parallèlement annoncé son intention d'augmenter ses investissement dans la recherche et réaffirmé que cinq de ses principaux médicaments disposaient d'un chiffre d'affaires potentiel combiné d'au moins 7,5 milliards d'euros par an.
Les investisseurs spéculaient depuis longtemps sur une scission de BMS, qui produit entre autres des plastiques entrant dans la fabrication de disques blu-ray et de toits ouvrants pour automobiles. Dans une note publiée cette semaine, Jefferies relevait que cette éventualité permettrait à Bayer d'atteindre une masse critique dans la santé animale et n'excluait pas des acquisitions.
Zoetis, l'ex-division vétérinaire de Pfizer devenue une société indépendante, serait une cible potentielle, ajoutait le bureau d'analyse.
En Bourse, l'action Bayer gagnait 5,04% à 111,50 euros vers 12h45 GMT après un plus haut à 111,80. Au même moment, l'indice Stoxx européen de la santé prenait 0,84%
Les analystes d'Equinet estiment la valeur de BMS à près de 10 milliards d'euros, ceux de DZ Bank à 11 milliards en incluant la dette.
PROBLÈME DE MARGE
BMS est la moins rentable des trois divisions de Bayer, avec une marge opérationnelle de 9,5% contre 20,9% pour l'ensemble du groupe. Bayer explique qu'elle a souffert récemment de la forte hausse de ses coûts de matières premières, qu'elle n'a pas pu répercuter sur ses prix de vente en raison de la concurrence.
MaterialScience a réalisé sur les 12 mois à fin juin un bénéfice avant impôt, charges financières, dépréciation et amortissement (Ebitda) de 1,2 milliard d'euros, soit 14% de l'Ebitda total du groupe. Sur cette base, la moyenne des multiples de capitalisation du secteur européen des spécialités chimiques suggère une valorisation de 12 milliards d'euros, dette incluse.
La marge brute d'exploitation de la division a atteint 11,2% au premier semestre, contre 23,6% pour l'ensemble du groupe. La division Healthcare, la plus importante, affiche 28,2% de marge sur la période, et CropScience, la plus petite, 31,9%.
"La branche (de plastiques) a sous-performé les opérations du groupe dans les sciences de la vie", constate Close Brothers Seydler dans une note.
Bayer, inventeur de l'aspirine, des mousses de polyuréthane et du caoutchouc synthétique, est l'un des derniers groupes européens à avoir maintenu jusqu'à présent les liens historiques entre chimie et pharmacie.
Une fois BMS scindée, il conservera une spécificité en restant présent à la fois dans la santé humaine, animale et végétale. Marijn Dekkers met régulièrement en avant les synergies commerciales qu'offre cette combinaison.
Jeudi, il a déclaré que Bayer était prêt à étudier toute acquisition potentielle mais que la croissance externe n'était pas la motivation première de la scission de BMS.
Pour BMS, la perspective de cette scission pourrait susciter davantage d'interrogations: en mars, Bayer expliquait en effet que les profits de la division ne couvraient pas le coût des capitaux employés. Et une nouvelle entité indépendante devrait assumer seule des coûts de structure qu'elle partage aujourd'hui avec les autres branches du groupe.
(avec Ben Hirschler à Londres, Véronique Tison et Marc Angrand pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)